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Écriture plurielles au plateau

Dispositif numérique Shangri-La © Thierry Laporte
Mis à jour le 19 janvier 2024

Du 5 au 9 décembre 2022, 3 membres du Collectif Or Normes ont donné une master class sur la convergence des écritures plurielles au plateau à la Faculté de Lettres et Langues de Poitiers : « Écriture plurielles au plateau | Transmission de savoir-faire artistiques et numériques ».

Objectif de la master class

Christelle Derré (directrice artistique et artiste transmédias), Martin Rossi (artiste développeur, concepteur numérique et scénographe) et David Couturier (sound designer et musicien) ont ainsi partagé la méthodologie de travail artistique et technique que le Collectif Or Normes applique pour produire les projets artistiques et numériques avec des étudiants issus des parcours CTC (Cinéma et Théâtre Contemporain) et AMS (Assistant à la Mise en Scène), du master [Arts], de la Faculté de Lettres et Langues de Poitiers.

La convergence des écritures plurielles au plateau concerne l’écriture :

  • du son (musique et sound design)
  • de l’image (fixe et animée)
  • du texte (scénarisation)
  • du vivant (les comédien·nes)
  • de la scénographie (le décor, création d’un espace fictionnel au sein de l’espace tangible)
  • du code

Nous retrouvons l’ensemble de ces écritures au sein des projets artistiques et numériques produits au Collectif Or Normes, savamment étudiées et orchestrées pour que leur synchronicité réponde à l’exigence dramaturgique souhaitée.

Retour d’expérience du Collectif Or Normes

Retour d’expérience sur l’adaptation de la BD Shangri-La

Ces écritures plurielles sont le résultat d’un duo à la tête du Collectif Or Normes, Martin Rossi et Christelle Derré, qui se traduit par l’écriture du code au service de l’écriture de la scène. Cette identité artistique a donc été partagée avec les étudiants en leur faisant part, notamment, de la dernière co-production artistique entre le Collectif Or Normes et Umanimation : l’adaptation de la bande-dessinée Shangri-La de Mathieu Bablet en un BD concert immersif.

« La station USS Tianzhu orbite autour de la Terre.
Dernier refuge d’une humanité qui a détruit son berceau.

À l’intérieur, Tianzhu Enterprize gère tout.
La nourriture, la technologie, l’information, la pensée… tout.
Employés par celle-ci, Scott et Virgile écument des stations de recherches où des phénomènes étranges se passent, où des hommes meurent dans d’étranges circonstances.

Il faut faire taire les rumeurs et oublier ces incidents encombrants
car Tianzhu a un grand projet : l’Homo Stellaris.
une nouvelle race créée par les hommes pour repeupler Titan sur le plateau de Shangri-La. »

Extrait de l’article Utopiales 2017 de Nicolas Winter.

Une question est vite survenue pour adapter cet ouvrage en un projet artistique : comment rendre compte fidèlement de l’univers et de l’histoire Shangri-La créés par l’auteur Mathieu Bablet au format double-page (celui de la BD), en un BD concert immersif ? D’après Christelle Derré, la réponse résidait dans l’étude de l’expérience spectateur : faire en sorte que le spectateur se sente concerné par l’histoire, qu’il vive l’histoire par procuration. Pour ce faire, le public est au cœur d’un dispositif scénographique au format quadrifrontal, ce qui lui donne l’impression d’être à bord du vaisseau USS Tianzhu et d’être à la fois témoin et participant de l’histoire. Celle-ci est ensuite donnée à voir et à entendre au rythme de la musique Soap Opera/electro jouée en live par trois musiciens.

Dispositif numérique Shangri-La © Thierry Laporte
© Thierry Laporte

Pour réaliser cette co-production, les compétences du Collectif Or Normes se sont liées à celles d’Umanimation, studio d’image animée. L’identification de ces deux structures est intéressante à avoir en tête puisqu’elle fait écho aux intitulés des deux parcours du master Arts de Poitiers.

Exercice pour les étudiants

Exercice donné aux étudiants

À partir de là, et dans le prolongement de ce savoir-faire témoigné aux étudiants, Christelle Derré, Martin Rossi et David Couturier ont conduit les étudiants à s’immerger dans l’univers de la science-fiction, avec la dernière bande dessinée de Mathieu Bablet, Carbone et Silicium, publiée en 2021 aux éditions Ankama. À partir de cet ouvrage, les étudiants devaient se prêter au même exercice, à savoir comment rendre compte d’un univers fictionnel couché sur le format double page en une forme théâtrale, tout en liant l’écriture du numérique à celle de la scène ?

« 2046. Directrice de recherche aux laboratoires Tomorrow Foundation, Noriko Ito met au point deux prototypes d’une nouvelle génération d’androïdes destinée à accompagner l’humanité vieillissante.

Basés sur les progrès en matière d’intelligence artificielle visant à créer un être à la fois intelligent et sensible, scindé en deux entités complémentaires, Carbone – le blanc, féminin – et Silicium – le noir, masculin – vont ainsi refléter l’ambivalence humaine : raison ou passion ? Soif de découvertes ou sédentarité ? Le corps et l’esprit, la matière et l’immatérialité des réseaux informatiques. Programmés pour vivre quinze ans, ces Adam et Eve robotiques vont néanmoins parvenir à s’émanciper.

Lors de leur première sortie hors du laboratoire, ils seront séparés lors d’une tentative d’évasion. Carbone, piégée par des jambes défaillantes restera, illustration du monde de la raison, Silicium s’enfuira, nomade partant à la découverte du monde, assouvissant ses désirs et émotions. Mais ils se retrouveront ponctuellement, trouveront les moyens de se perpétuer pendant près de trois siècles. Et ils accompagneront ainsi, comme des observateurs un peu détachés l’évolution d’une humanité déclinante, confrontés aux désastres écologiques, aux crises politiques et sociales. » 

Daniel Muraz, Carbone et Silicium, le robot et l’avenir de l’homme, Courrier Picard, 31 janvier 2021.

Après avoir lu la bande dessinée en amont de la master class et avoir émis des souhaits de sujets sur lesquels iels souhaitaient travailler, trois groupes d’étudiants se sont constitués. Ainsi, durant 5 jours, chaque groupe a réalisé l’ensemble des étapes de travail nécessaires pour aller jusqu’à la présentation des formes théâtrales et numériques :

  1. réflexion
  2. scénarisation
  3. création
  4. restitution
  5. présentation

Pour ouvrir le champ des possibles artistiques et techniques et rendre les formes théâtrales et numériques pensées par les étudiants réalisables, le Collectif Or Normes a mis à disposition des trois groupes du matériel technique : vidéoprojecteur, câbles d’alimentation, rallonges électriques, logiciel et matériel informatique pour produire de la MAO (musique assistée par ordinateur), éléments de décors, etc. Ainsi, les étudiants avaient en leur possession différents outils pour aller jusqu’au bout de leurs souhaits artistiques.

Pour rendre compte des trois travaux réalisés par les étudiants, le Collectif Or Normes vous propose de découvrir leurs projets dans des articles dédiés à la fin de cet article.

En parallèle et suite aux formes théâtrales réalisées, les étudiants devaient se prêter à l’exercice de l’écriture de leur projet pour le partager avec Christelle Derré au sein de la plateforme numérique Trello, un outil de gestion de projet. Au sein de cet espace de rédaction numérique, les étudiants ont pu renseigner le synopsis de leur projet, la fiche technique et la note d’intention.

Ces trois éléments rédigés prolongent la transmission des savoir-faire à acquérir lorsque des artistes montent un projet, puisque ce sont ces éléments qu’il faut communiquer (a minima) auprès des structures qui accueillent les projets artistiques.

Savoir présenter son projet

Savoir présenter son projet

Le Collectif Or Normes a été très heureux de partager un dernier moment avec les étudiants en les accompagnant dans leur première présentation publique. Le 19 mars 2023, les étudiants ont participé au festival art et science TekArt, organisé par la Ville de Marmande, ville à laquelle Christelle Derré est artiste associée depuis janvier 2023. Dans le cadre de ce festival, ils ont présenté les trois performances théâtrales et numériques réalisées lors de la master class donnée par Collectif Or Normes. Ainsi, grâce à leur venue et à leur participation au festival, des dernières clés théoriques et pratiques leur ont été transmises en ce qui concerne la régie de production et la régie technique comme :

  • faire une fiche technique ;
  • rédiger une fiche présentant leurs formes artistiques transmises à la communication de la ville ;
  • faire une feuille de route ;
  • faire un chargement et s’organiser pour les transports et l’hébergement.

De cette manière et dans le cadre de cette master class (et même au-delà), les étudiants ont pu rêver, créer et présenter publiquement leur travaux. Ils ont ainsi été témoins et praticiens de l’ensemble de la chaîne de création et de diffusion d’une production artistique.

Témoignages des étudiants

Témoignages des étudiants

Suite à cette semaine de formation, Manon Picard (chargée d’étude sur les fictions interactives et immersives à Collectif Or Normes) a interrogé les étudiants pour récolter leurs impressions et ce qu’ils retenaient de ces cinq jours de transmission. La réponse est unanime : à partir de maintenant, les étudiants ne vont plus penser les projets comme auparavant.

Ils s’accordent à dire qu’avec le numérique, d’autres portes à l’exploration du sensible ont été ouvertes. Par exemple, la vidéoprojection, l’écriture du son pour penser l’habillage sonore d’un espace comme on pense la reconfiguration d’un espace par l’utilisation d’un décor ont été une véritable révélation. Le partage et la mise en pratique de l’écriture numérique liée à celle artistique est un outil de plus qu’ils ont en leur possession pour rêver et réaliser des projets transversaux en termes d’hybridité artistique, technique et numérique.

Pour la première fois, nous [les étudiants] avons pensé grand et c’est la première fois que ça se réalise. C’est très agréable d’aller jusqu’au bout de ce que nous avons pensé.

Marine –

Valentin prolonge ce témoignage en nous confiant que : « le numérique donne une autre dimension au spectacle vivant. » De plus, selon Camille « lors de ce stage, tout a été rendu possible. » Quand il y aura un projet artistique maintenant, elle souhaite penser et concevoir son projet avec le maillage des écritures plurielles permettant de travailler une complémentarité de discours. Quant à Lucie, elle nous fait part du fait qu’elle n’avait jamais utilisé l’ensemble de ces outils techniques et, qu’à présent, elle les utilise pour son projet professionnel, notamment la vidéoprojection.

Article rédigé par Manon Picard, chargée d’étude au Collectif Or Normes

Les projets des étudiants
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Improvisation musicale et technologies

Photo de Pawel Czerwinski sur Unsplash
Mis à jour le 19 janvier 2024

La Région Nouvelle-Aquitaine, l’Ircam, l’association Improvisation et technologie et le festival d’Uzeste ont organisé un temps dédié à l’interaction visuelle et sonore le 13 août 2023 à Uzeste (33) lors de l’évènement Improtech 2023.

Dans le cadre de sa mission de terrain de développement du numérique culturel, la Région Nouvelle-Aquitaine accompagne ses lauréats dans la mise en réseau et l’essaimage des solutions expérimentales financées par le dispositif Cultures Connectées (CCNA). Elle co-organise avec des professionnels de la culture des évènements destinés à favoriser la découverte des projets et la mise en lien des opérateurs.

La table ronde

La table ronde

Une table ronde « Musique à voir » dédiée aux projets musicaux intégrant des nouvelles technologies a permis aux lauréats Cultures Connectées d’échanger avec deux invités exceptionnels : les professionnels Miller Puckette (spécialiste d’interaction audiovisuelle) et Shlomo Dubnov (chercheur en intelligence artificielle) lors de la 10e édition des rencontres internationales professionnelles Improtech portées par l’Ircam.

Les musiciens labellisés CCNA présents sur cette table ronde :
||| Jean-Marie Colin,
||| Damien Skoracki,
||| Youri Fernandez et Fred Faure,
||| David Couturier.

L’animation de cette table ronde a été faite par Marc Chemillier, Directeur d’études de l’EHESS Chaire Anthropologie des connaissances, modélisation des savoirs relevant de l’oralité, Président de l’association Improvisation et technologie

Ce que les technologies musicales donnent à voir

Ce que les technologies musicales donnent à voir

Le festival d’Uzeste en Gironde a accueilli le 13 août 2023 un panel de musiciens lauréats du programme Cultures Connectées co-piloté par la Région Nouvelle-Aquitaine et la Direction Régionale des Affaires Culturelles. Leurs projets étaient présentés à l’occasion d’une table ronde du workshop international IMPROTECH qui se tenait pendant trois jours en ouverture du festival d’Uzeste. De nombreuses personnalités chercheurs et musiciens travaillant dans le domaine du numérique étaient rassemblées pour cette manifestation co-organisée par la Compagnie Lubat d’Uzeste et l’IRCAM à Paris avec le soutien financier de l’Agence nationale de la recherche (projet MERCI) et du Conseil européen de la recherche (projet REACH).

Faisant suite au programme aquitain qui accompagnait la numérisation des collections patrimoniales, l’appel à projets Cultures Connectées Nouvelle-Aquitaine accompagne depuis 2020 les expérimentations hybrides du secteur culturel intégrant des nouvelles technologies dans des projets de création artistique ou de médiation culturelle. En 2017, la Compagnie Lubat avait reçu un financement Cultures connectées pour le projet Jazz augmenté à l’origine du livre-CD Artisticiel. Les projets lauréats 2020, 2021, 2022 et présentés à IMPROTECH mettaient l’accent sur l’hybridité sons-images, renvoyant ainsi au thème de la table ronde : « Ce que les technologies musicales donnent à voir ». Une conférence de Shlomo Dubnov de l’Université de San-Diego a introduit le sujet avec quelques réflexions pénétrantes sur ce que l’intelligence artificielle peut donner à voir dans les pratiques musicales. Les lauréats Cultures connectées ont présenté tour à tour leurs projets et retours d’expérience, puis la matinée s’est terminée par des discussions passionnantes avec des spécialistes de la relation son-image comme Georges Bloch et Sabina Covarrubias, et un invité exceptionnel : l’américain Miller Puckette, inventeur des deux logiciels phare de l’informatique musicale Max et Pure Data.

IA et signaux visuels pour l’improvisation musicale

IA et signaux visuels pour l’improvisation musicale

La conférence introductive de Shlomo Dubnov abordait la question des signaux visuels que les musiciens s’échangent sur scène pour se coordonner (mouvements de la main, de la tête, du regard, etc.). Les signaux de ce type font partie du spectacle que le public vient « voir » quand il va au concert. Shlomo Dubno a cité aussi l’exemple des signaux visuels avec lesquels des musiciens expérimentés comme Bobby McFerrin ou Jacob Collier sont capables de faire chanter tout le public d’une salle en le transformant en chœur polyphonique. Spécialiste internationalement reconnu de l’IA dans les arts, Shlomo Dubnov a montré comment des signaux de ce type pouvaient être pris en charge par l’IA. Il a cité l’exemple fascinant du robot vibraphoniste Shimon du Georgia Institute of Technology qui se dandine quand on répète un son régulièrement pour capter le rythme et improviser dessus. Dans une émission de télévision hilarante, le présentateur Stephen Colbert commente en disant que le robot est programmé non seulement pour jouer du jazz, mais aussi « pour l’apprécier… ! ». Enfin, Shlomo Dubnov a présenté le projet ImproVision avec Ross Greer : un système visuel-robotique qui est entraîné pour reconnaître, réagir et communiquer via un ensemble de gestes non verbaux, de sorte que des musiciens humains puissent effectuer des échanges créatifs avec un système d’IA pendant une performance.

Vidéo extraite de la conférence de Shlomo Dubnov :

Les projets

LES PROJETS

Projet Mirror avec Jean-Marie Colin (Bordeaux)

Jean-Marie Colin du collectif Champs sonores à Bordeaux a improvisé une magnifique performance sur la scène de l’Estaminet d’Uzeste avec le karlax, une sorte de bâton muni de boutons, relié à un ordinateur et contrôlant en même temps des sons et des images. Jean-Marie Colin est à la fois musicien, organiste de formation, et photographe. Son improvisation musicale mélangeant des sons en direct doit beaucoup à sa pratique des registres à l’orgue qui permettent de changer les sons. Le besoin d’y associer des images lui vient de son activité de photographe, il ajoute en direct des filtres sur les images projetées. Cette association image-son est également liée au manque qu’il ressent dans les concert de musique électroacoustique où l’on ne voit que des haut-parleurs (le terme « acousmatique » veut dire précisément que l’on déconnecte le son de sa source). Dans le projet Mirror, il ajoute un élément scénique avec la participation d’une danseuse hip-hop. Il a démarré pour cela une collaboration avec l’informaticien Bernard Serpette de l’INRIA afin de développer des effets permettant de capter la silhouette de la danseuse et de l’incruster dans les images.

Vidéo de l’improvisation de Jean-Marie Colin avec le Karlax :

Vidéo extraite de la présentation de Jean-Marie Colin :

||| En savoir plus sur le projet

Projet Ekosystem avec Damien Skoracki (Poitiers)

Le projet Ekosystem de Damien Skoracki est une installation sonore organique formée de synthétiseurs accrochés dans l’espace public et produisant une musique générative tout au long de la journée en fonction de capteurs environnementaux (ensoleillement, vitesse du vent) ou en interaction avec le public (bruits de pas). Deux vidéos fascinantes ont permis de découvrir comment capter le son des betteraves et comment improviser grâce à un sismographe avec un tas de cailloux sur le sol que l’on déplace avec les pieds. Cette installation veut inviter les gens qui la parcourent à produire de la musique eux-mêmes en s’impliquant dans le processus sonore avec la médiation de la nature. Mélanger les bruits naturels et ceux que produisent le visiteur renvoie bien sûr à la question environnementale car on sait que l’interaction de l’homme avec la nature peut être dangereusement néfaste en termes de déforestation, de réchauffement climatique, de perte de biodiversité, etc. Mais ce que l’on sait moins, et que Damien Skoracki nous rappelle avec beaucoup de poésie et de maturité artistique, c’est que l’interaction avec la nature se produit dès que l’on s’approche d’une plante et qu’on modifie son champs électrique en touchant une feuille. Il cite Victor Hugo : « C’est une triste chose de penser que la nature parle et que le genre humain n’écoute pas » (Choses vues. Carnets, albums, journaux, Œuvres complètes, vol. 35, tome I, 1870).

Vidéo du projet de Damien Skoracki :

Vidéo extraite de la présentation de Damien Skoracki :

||| En savoir plus sur le projet

Projet Shangri-La avec David Couturier (Poitiers)

Le projet du collectif Or normes de Poitiers présenté par David Couturier est un spectacle immersif ambitieux destiné à adapter sur scène une bande-dessinée de Mathieu Bablet en mettant en communication la musique avec les dessins. La mise en scène est de Christelle Derré et la musique de Vincent Girault. Sur scène, trois musiciens, parmi lesquels David Couturier guitariste et concepteur du dispositif, et un régisseur technique, sont placés aux quatre coins d’un espace rectangulaire formé de quatre écrans. À l’intérieur de cet espace, le public est assis sur des sièges pivotant permettant de choisir quel écran regarder. Les dessins projetés sur les écrans reconstituent le déroulement de l’histoire. Les bulles de texte de la bande dessinée originale ont été supprimées afin de regrouper tout le texte au même endroit comme dans les bandes dessinées du début du XXe siècle avant l’apparition des phylactères (Sapeur Camembert par exemple). Le but est de faciliter la lecture avec, en complément, certains dialogues qui sont dits par des voix off. Musique et narration peuvent être momentanément déconnectés. Le spectateur peut arrêter de regarder les écrans pour écouter la musique car il n’est pas nécessaire de suivre chaque détail narratif. Il existe une hiérarchie dans la narration où certains détails deviennent des parenthèses que le spectateur peut sauter. L’adaptation du scénario de la bande dessinée originale a été fait par Christelle Derré qui a aussi fixé la répartition des séquences d’images sur les quatre écrans afin de « diriger » le regard du public en imaginant des moyens de capter l’attention du spectateur. La synchronisation son-image utilise le logiciel Chataigne conçu par Ben Kuper à Grenoble qui permet d’interconnecter toutes les machines ensemble comme une sorte de chef d’orchestre. La circulation de la musique dans les haut-parleurs est réalisée avec le logiciel Spat de l’IRCAM.

Vidéo extraite de la présentation de David Couturier :

Teaser vidéo du projet de David Couturier :

||| En savoir plus sur le projet

Projet KYF! avec Fred Faure (Bayonne)

Le batteur Fred Faure a présenté le projet KYF! créé par le Dômes Studio de Bayonne. Il s’agit d’un concert augmenté d’interaction musique-vidéo-lumières. La musique est créée en collaboration par le claviériste Kevin Bucquet influencé par les musiques actuelles entendues lors de son séjour à Berlin pendant plusieurs années et le percussionniste Fred Faure passionné de musiques africaines qui a fait plusieurs voyages au Congo et qui a joué du djembé avant de se mettre à la batterie. Les images et les vidéos conçues par Youri Fernandez sont séquencées par un montage improvisé en temps réel à partir d’un clavier MIDI grâce au logiciel Millumim utilisé pour le théâtre. Le logiciel Ableton Live sert à jouer des boucles qui sont prolongées pendant les solos. L’influence de l’Afrique est présente dans ce spectacle, notamment avec l’utilisation « virtuelle » de la sanza, un instrument africain à lamelles résonantes, montrée dans la vidéo du spectacle projetée durant la table ronde. Les images ne sont pas des séquences fixes, mais des vidéos générées en temps réel. Pour la séquence de sanza, les pouces du musicien jouant l’instrument ont été photographiés sur les différentes lamelles et les sons ont été échantillonnés. On peut ainsi « faire jouer » la sanza artificiellement à partir d’un clavier MIDI et les images correspondantes s’affichent sur l’écran. D’autres éléments africains sont incorporés dans le spectacle, notamment des danseurs qui ont été filmés et qui apparaissent dans la partie vidéo comme une sorte de chorégraphie.

Vidéo extraite de la présentation de Fred Faure :

Teaser vidéo du projet de Fred Faure :

||| En savoir plus sur le projet

Débats conclusifs avec les participants d’IMPROTECH

Débats conclusifs avec les participants d’IMPROTECH

La table ronde se concluait par un débat stimulant animé par Georges Bloch qui avait d’emblée lancé une question provocatrice : dans les spectacles associant musique et image, qui a le pouvoir ? Cette question de l’équilibre et des relations de pouvoir entre sons et images est apparue comme l’un des thèmes principaux du débat et de fait, c’est une question centrale dans toute expérimentation de création artistique hybride intégrant les nouvelles technologies. L’autre thème qui a été discuté par la suite était plus technique. Il concernait les modes d’interaction entre sons et images dans de tels projets et les possibilités de dépasser le simple transcodage (scaling ou mapping) entre paramètres musicaux et visuels qui est parfois trop redondant. Les participants du Workshop international IMPROTECH, une cinquantaine de chercheurs et d’artistes venus du monde entier, ont pris part à ce débat en lui donnant une portée très large qui mettait bien en valeur les très beaux projets Cultures connectées présentés tout au long de la matinée.

Vidéo complète du débat :

Crédits

Texte : Marc Chemillier (association Djazz)

Crédits pour les vidéos tournées à l’Estaminet d’Uzeste, 13 août 2023 dans le cadre du workshop international IMPROTECH lors du festival d’Uzeste Hestejada de las arts :
Prise de vue : Yohann Rabearivelo, Delphine Duquesne
Prise de son : Nicolas Blondeau
Montage : Marc Chemillier (association Djazz)
Avec le soutien de l’ERC REACH, de l’ANR MERCI et d’Uzeste musical.

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Les actualités littéraires portées par les auteurs eux-mêmes

Les actualités littéraires portées par les auteurs eux-mêmes © William Windrestin
Mis à jour le 29 octobre 2024

Le 6 novembre 2023, ALCA organisait la première journée de présentation des actualités littéraires de Nouvelle-Aquitaine en présence d’auteurs et autrices de la région. Cette journée dédiée aux livres néo-aquitains revient le 14 novembre 2024.

Une vingtaine d’auteurs et autrices se sont retrouvés à Limoges, à l’espace Noriac, pour présenter leur dernier ouvrage devant un parterre de professionnels du secteur. Des extraits de leurs textes, tous genres confondus, mis en voix par la compagnie En avant marche, ont ponctué cette journée qui se voulait être un moment de rencontre et d’échange entre les différents maillons de la chaîne du livre.

Les auteurs·rices de Nouvelle-Aquitaine présentent leurs actualités

Cette journée a été organisée par ALCA (Agence livre, cinéma et audiovisuel en Nouvelle-Aquitaine), avec le soutien de la DRAC Nouvelle-Aquitaine, de la Région Nouvelle-Aquitaine et du Département de la Haute-Vienne qui a mis à disposition l’espace Noriac à Limoges.

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Pourquoi et comment réduire l’impact de nos activités numériques culturelles ?

AdobeStock par Mimi Potter

Retour sur la table-ronde qui a eu lieu dans le cadre du Forum Entreprendre dans la Culture en Nouvelle-Aquitaine, le 7 novembre 2022.

Contexte

Au sein du Forum Entreprendre dans la Culture en Nouvelle-Aquitaine qui a eu lieu les 7, 8 et 9 novembre 2022 à Bègles et Bordeaux, la Région Nouvelle-Aquitaine et l’A. Agence culturelle Nouvelle-Aquitaine, ont souhaité proposer un temps autour de l’impact environnemental du numérique culturel.

La restitution de ce temps se focalise sur l’intervention de David Irle, éco-conseiller au sein d’Aladir Conseil, qui vient aider les professionnels du secteur culturel à mieux comprendre l’impact environnemental de leurs activités et à les aider à décarboner leurs activités. David Irle a pu présenter l’incidence de nos activités numériques et apporter son point de vue problématisé sur cet impact.

Cette réflexion sur l’impact environnemental de nos activités numériques a déjà été abordée en 2021 lors du précédent Forum Entreprendre dans la Culture en Nouvelle-Aquitaine. Vous retrouverez en ligne la restitution de cette précédente table-ronde, avec l’évocation de plusieurs constats et également plusieurs pistes de solutions.

Ce nouveau temps a été l’occasion de présenter de nouvelles données relatives à cet impact, tout en posant la sobriété numérique à la fois comme une nécessité environnementale et un défi culturel. L’objectif a été ici d’essayer de donner des clés de lecture simples d’un sujet complexe, ceci dans un temps court, l’intervention de David Irle ayant été contrainte à moins de 30 minutes.

Comment le numérique impacte notre environnement culturel ?

Comment le numérique impacte notre environnement culturel ?

Avant de commencer, il faut rappeler le contexte pour le secteur culturel avec ce graphique qui raconte une réelle inflexion des pratiques culturelles des Français et Françaises.

En 2018, les individus qui avaient moins de 40 ans ne fréquentaient déjà plus trop le spectacle vivant, avec une appropriation de plus en plus forte de pratiques culturelles numériques. Nous pouvons nous douter, qu’après la crise sanitaire, cet élément à peut-être expliquer les baisses de fréquentation de nos équipements et de nos salles. Ce processus de numérisation ne s’est pas ralenti et s’est même sans doute accéléré. Nous n’en avons pas encore confirmation mais c’est une hypothèse probable. Donc la question qui se pose est de savoir comment nous pouvons nous adapter et comment nous allons naviguer dans ce contexte de numérisation des pratiques culturelles.

Avant toute chose, je voulais démonter ce mythe de la dématérialisation et de la révolution du numérique, car derrière ce processus se cache une délocalisation et un déplacement des impacts environnementaux. Pour ce faire, on va s’appuyer sur trois études assez récentes à savoir celles du Shift Project, de GreenIT et de l’ADEME et l’ARCEP.
Il est extrêmement complexe d’analyser les impacts environnementaux du numérique. Il ne faut pas toujours s’arrêter sur les chiffres bruts, mais plutôt sur les ordres de grandeur qui sont globalement toujours les mêmes, même en mettant en compétition différentes études.

Pour le numérique, quelques éléments de constat pour la France selon l’étude ADEME/ARCEP de janvier 2022 :

  • 2,5% de l’empreinte carbone nationale (7% à l’horizon 2040 selon le Sénat)
  • 17 millions de tonnes de Co2 (soit 250 kg par français) = à peine moins d’1 centrale à charbon
  • 10% de la consommation électrique annuelle
  • une forte consommation de métaux critiques (fragilité géopolitique)
  • une forte consommation d’eau douce (fragilité géophysique)

Ce qu’il faut déconstruire, c’est l’idée que le problème viendrait des Datacenters. Quand on analyse l’impact carbone du système numérique, on constate que l’essentiel de l’impact est lié aux terminaux d’usage. La part que constituent les infrastructures, c’est-à-dire les centres de données ou les réseaux, est finalement plutôt minime. L’essentiel de l’impact est lié à la fabrication et beaucoup moins à la distribution, essentiellement les réseaux et leur utilisation (ex : ordinateurs connectés).
Il y a une distribution des impacts qui est différente selon si nous parlons de la fabrication, de la distribution ou de l’utilisation. L’essentiel est lié à la fabrication et beaucoup moins à la distribution (ex : réseaux) et à l’utilisation.

Donc cela vient construire un imaginaire autour de l’impact environnemental du numérique où on a deux problèmes : un qui est lié aux terminaux d’usage, et l’autre qui est lié à la fabrication des terminaux d’usage.

Impact des équipements utilisateurs

Les écogestes seront donc bien plus intéressants s’ils sont mis en place au niveau des équipements des utilisateurs, là où l’impact environnemental est le plus important.

Impacts par types de récepteurs

Cette étude est très intéressante pour déconstruire les imaginaires autour de l’impact environnemental du numérique. Le principal terminal d’usage qui pose un problème environnemental c’est le téléviseur. Nous avons l’idée que ce sont les smartphones et les ordinateurs, mais nous avons aujourd’hui énormément de téléviseurs, notamment avec les nouvelles offres liées à la Télévision Numérique Terrestre. C’est à ce niveau qu’on analyse les plus gros impacts

Et ça c’est sur tous les types d’impacts, puisque, aussi bien sur les ressources abiotiques (ex. : métaux, minéraux, etc.), les énergies fossiles, l’empreinte carbone, les radiations ionisantes, etc., les autres terminaux, en l’occurrence les smartphones et les ordinateurs (qui sont comptabilisés, dans ce graphique, dans les « autres écrans »), tournent finalement autour de 10/15 %.
Cela vient déconstruire une partie de notre imaginaire.

Ça nous donne une hiérarchie des sources d’impacts environnementaux du numérique qui est intéressante à avoir en tête.

Hiérarchie des sources d’impacts

Le problème environnemental n’est pas forcément l’infrastructure numérique elle-même, mais plutôt le fait que l’on soit très nombreux à l’utiliser. Il y a un enjeu qui est celui de la massification et une bête question de volume. Les datacenters se comptent en une dizaine de milliers alors qu’on compte aujourd’hui plus de 34 milliards d’objets connectés dans le monde. Il y a vraiment des effets de volume très puissants qui expliquent cette hiérarchie de source d’impact.

Une fois que nous avons défini les sources d’impact au niveau de l’écosystème numérique, c’est-à-dire les infrastructures puis le matériel, si nous regardons ce qui se passe à l’échelle des usages uniquement, nous constatons que la problématique principale qui est posée, c’est celle de l’utilisation de la vidéo.

Le poids des usages vidéos

Le streaming vidéo représente 60 % du trafic Internet. Le vieil Internet, c’est-à-dire celui qu’on utilisait avant les réseaux sociaux, ne pèse que 13% du trafic Internet. Nous pouvons également supposer que le streaming vidéo ne s’est pas réduit avec la crise sanitaire. A noter que nous pouvons constater une grosse différence d’impact entre le streaming vidéo (60,6% du trafic) et le streaming audio (0,4%). Les quantités de données qui circulent entre un texte, un son et une vidéo, sont très différentes. Cela pose la question de ce qui est essentiel dans nos usages.

Ici, on avance sur l’idée que plus la définition d’un film augmente, plus l’impact en quantité de données circulantes grandit. A terme, nous pourrons peut-être mieux optimiser ce point, mais pour l’instant, dès que nous nous trouvons sur des supports de définition en haute définition, c’est une explosion exponentielle de la quantité de données circulantes.

Rappelons que ce qui nous pose un problème environnemental au point de vue des usages ce sont les quantités de données qui doivent être stockées, puis diffusées dans les tuyaux, et enfin être reçues sur des terminaux d’usage idéalement adaptés à cette quantité de données.

Tels que c’est présenté ici, ce sont les formats en basse définition qui doivent être privilégiés car ils posent moins de problèmes. Pour rappel, ces données sont pour un même film de 2H.

Le poids environnemental des usages mobiles

Ce qui est aussi intéressant dans l’étude Ademe-Arcep, c’est que nous constatons un énorme écart environnemental entre les usages mobiles et les usages fixes. Les usages fixes (ADSL, fibre et Wifi) ont un poids environnemental moins prégnant sur toutes les typologies, comparativement aux usages mobiles, c’est à dire la 3G, la 4G et la 5G.

Ce sont réellement les usages mobiles qui nous posent un problème (barres en orange, alors que les barres bleues sont pour un usage fixe).

C’est assez impressionnant car nous pouvons supposer que si nous arrêtions d’utiliser Internet en mobile pour privilégier l’usage fixe, nous serions sur une réduction quasiment de 60% voire 70% des impacts environnementaux. C’est une expérience de pensée que je trouve très intéressante au moment où nous déployons la 5G et où nous nous demandons actuellement si nous ne déploierons pas la 6G.

Sans forcément tenir compte des chiffres bruts de ce graphique, on peut tout de même constater une tendance assez forte : la croissance importante des gaz à effet de serre (GES) et de l’impact carbone liés aux usages numériques.

Il faut cependant noter que ce graphique ne concerne pas exclusivement la culture mais prend en compte l’ensemble des dispositifs qui font le numérique mondial d’aujourd’hui (ex. : l’essor des cryptomonnaies).

On peut estimer à environ 4 milliards les internautes aujourd’hui, c’est cet effet de massification des usages qui pose problème du point de vue environnemental.
L’ensemble des zones géographiques sont en croissance en termes d’évolution du nombre d’équipements connectés par personne. Il n’y a pas une seule zone de la planète qui n’est pas en forte croissance.

Quelques chiffres

Quelques chiffres

Un ordinateur portable neuf, c’est 514kg (soit 171 000 vidéos de chat mignon).

Un mail avec une pièce-jointe de 1Mo, c’est 0,03g de Co2e émis.

Une vidéo de chat mignon de 10 minutes (100 Mo), c’est environ 3g émis.

La fabrication d’un smartphone, c’est 61kg émis (soit 2 millions de mails).

1 steak, c’est environ 5kg de CO2e émis (soit 1600 vidéos de chat ou quasiment un dixième de smartphone), et ça correspond environ à 40 km en voiture thermique (soit 165 000 mails).

Comment réduire notre impact environnemental ?

Comment réduire notre impact environnemental ?

Une fois que nous avons structuré l’idée que le numérique nous posait des problèmes au point de vue environnemental et que le zéro impact n’est pas possible, il se pose alors la question de la maitrise de ces impacts. Et se poser la question : à quel point le numérique peut nous aider dans la transition écologique (ou pas) ?

Nous allons commencer à comparer le numérique et les mobilités, notamment les mobilités carbonées.

C’est un exercice qu’une collègue, en l’occurrence Julia Orgelet (Dès demain), a réalisé un chantier pour l’ADEME. Il s’agit d’un comparatif de l’impact environnemental des Assises de l’Économie Circulaire entre 2017 et 2020, avec d’un côté des Assises organisées en présentiel et de l’autre, une organisation en distanciel, COVID oblige.

Les assises de l’économie circulaire 2017 et 2020

Force est de constater que sur l’ensemble des indicateurs environnementaux, l’organisation des Assises de l’économie circulaire en distanciel a eu un impact environnemental moindre que l’organisation des Assises de l’économie circulaire en présentiel, en mode carboné (déplacements en voiture, restauration, hébergement, etc.).

Sur tous les impacts, les Assises en distanciel sont notamment meilleures en termes d’émissions en particules fines, de radiations ionisantes, d’émissions de CO2, etc.

Cela veut dire que le numérique reste un bon outil mais cela ne veut pas dire qu’il va falloir ne faire plus que des rencontres en distantiel.

La théorie que l’on propose, c’est que si nous sommes capables d’organiser des rencontres en présentiel soutenables, alors le présentiel redevient compétitif par rapport au numérique. Le présentiel soutenable veut dire d’organiser des rencontres en proximité avec des trajets en train, des rencontres où nous oublions les déplacements en voiture ou en avion.

Si nous restons sur des modèles de rencontres ou de rendez-vous professionnels où l’usage de la voiture ou de l’avion est privilégié, alors le numérique est un très bon outil de décarbonation de nos activités. Il vient réduire les impacts environnementaux de façon drastique.

On peut le résumer avec un comparatif d’ordre de grandeur proposé par Greenspector : une visioconférence consomme à peu près 1 gramme de CO2 par minute par personne en activant le flux vidéo. En éteignant le flux vidéo, l’impact est divisé par trois.

Quand vous commencez à comparer avec des déplacements, un déplacement en voiture consomme en moyenne 150g de Co2 par km parcouru. En revanche, un déplacement TGV reste compétitif puisqu’il correspond à 2g le km parcouru.

Si vous faites une visioconférence d’1 heure à 2 personnes, vous allez émettre 120g de Co2, cela vous donne le budget pour faire 1km en voiture. C’est l’occasion de rappeler que la voiture est un jet privé qui s’ignore.

Les dispositifs en ligne sont hyper compétitifs pour faire des réunions ou des rendez-vous de travail. Par cette étude des Assises de l’économie circulaire 2017-2020, on constate cependant dans ce comparatif que le seul impact où l’édition en distanciel est négative c’est sur l’utilisation des métaux.
À partir du moment où nous sommes sur un dispositif numérique, celui-ci va demander une ressource abiotique supérieure, un élément qui est bien identifié dans les études. Ce qui est intéressant, c’est que cette étude a aussi posé la question du « Et si on avait éco-conçu du point de vue numérique les Assises ? ». Si des gains d’efficience avaient été trouvés en éco-conception numérique, vous avez comme référence en bleu les éditions distancielles telles qu’elles ont eu lieu, et en rouge l’édition éco-conçue.

Assises digitales « éco-conçues »

Cette optimisation aurait pu correspondre à quelque chose de simple, en l’occurrence utiliser le distanciel et la visio dans la phase en amont de l’organisation pour éviter le déplacement mais aussi avoir recours à des formats audios plutôt que vidéos.
Vous voyez que l’édition éco-conçue numériquement permet de baisser encore une fois, tous les impacts environnementaux.

Donc, non seulement le numérique peut être un bon outil (insistons sur le « peut ») mais en plus quand on l’optimise c’est encore un meilleur outil. Là, en l’occurrence, l’optimisation était simple : on utilisait le distanciel et la visio dans la phase en amont de l’organisation pour éviter les déplacements en ayant recours à des formats audios plutôt que vidéos.

Un certain nombre de personnes tirent la conclusion que le numérique est la solution, avec une approche du « numérisons absolument tout ».

Le numérique comme vecteur de diffusion artistique et culturel
Hachure parme sans transparence
Le numérique comme vecteur de diffusion artistique et culturel

Dans un premier temps, nous avons évoqué le numérique comme outil de travail. Nous allons voir maintenant le numérique comme vecteur de diffusion, c’est-à-dire le numérique comme promotion des œuvres ou des spectacles, quelles que soient les modalités. La problématique dans laquelle vous allez tomber, dès lors que vous voulez travailler la diffusion de spectacles et de concerts, porte sur le fait que vous ne pouvez pas aller dans la diffusion de spectacles avec des vidéos de mauvaise qualité.

Vous allez avoir envie de montrer des spectacles de bonne qualité. Et donc vous allez utiliser des formats qui sont gourmands en quantité de données en circulation, donc plus gourmands en bande passante.

Non seulement vous allez aller vers une plus grande quantité de données mais il y a un sous-entendu derrière : les spectateurs vont devoir s’équiper d’ordinateurs, de téléviseurs, de téléphones, qui sont adaptés à cette plus grande quantité de données en circulation (en réception et émission).

Le summum étant l’équipement en nouveaux terminaux qui sont les casques de réalité virtuelle et donc un équipement supplémentaire pour accéder au metavers. Nous savons parfaitement aujourd’hui que c’est la production des équipements qui pose problème et notamment la massification de l’équipement.

Est-ce que nous allons vouloir équiper les 4 milliards d’internautes ou est-ce qu’on va exclure une minorité de gens ? Sujet complexe…

Deuxième élément à prendre en compte : une croissance exponentielle des données en circulation et une augmentation de l’équipement non-soutenable avec un nouveau type de matériel corrélée avec la génération d’une obsolescence technique.

Dernier point, ce sont les logiques d’effets rebonds. Globalement il y a moins de limites sur Internet, il n’y a potentiellement pas de limite en termes de jauge. Vous pouvez avoir un Gangnam Style qui fait 4 milliards de vues là où vous ne remplirez jamais des stades à ce niveau. Ça, c’est un effet rebond en termes de fréquentation.

C’est encore un sujet où il faut être prudent sur des points de vue épistémologiques et scientifiques. Nous n’avons pas encore toutes les études pour venir nous confirmer cette intuition que nous allons être mis en difficulté par ce paramètre. Des études ont été demandées au Centre national de la musique notamment sur le streaming. Ces études vont probablement nous confirmer beaucoup d’éléments que nous posons ici.

Nous ne sommes pas non plus à l’abri que, comme pour les cryptomonnaies en ce moment, les processus s’améliorent et, qu’à usage égal, nous ayons moins besoin de consommer de la donnée. Ce serait une bonne nouvelle puisque nous arriverions à faire de l’efficacité avec des usages à peu près constants, en tout cas pour la consommation électrique.

Pour l’instant, à ce stade de connaissances, il nous semble que ce processus de diffusion massivement numérique ne va pas venir résoudre nos problèmes environnementaux, cela va plutôt venir se superposer aux usages physiques. Cela ne va pas nous arrêter à assister à de vrais spectacles ou concerts. On va rajouter une source d’impact supplémentaire.

Que pourrait-on faire ?

Que pourrait-on faire ?

Dans ce contexte d’analyse de l’impact environnemental du numérique, nous savons qu’il est principalement à l’endroit des équipements utilisateurs et finalement, ce qui pose problème, c’est surtout la massification des usages, voire la démocratisation des usages dans un contexte également de contraintes de plus en plus fortes en termes de ressources disponibles, d’énergies, etc.

Une des hypothèses que nous posons, c’est que nous n’allons peut-être pas tant que ça vers un développement numérique tous azimuts parce que nous n’allons pas avoir les moyens matériels ou énergétiques de le faire.

Par contre, nous irions plutôt vers des formes de numérique dégradé pour essayer de conserver cet usage d’une ressource qui est non-renouvelable. Le numérique est une ressource absolument magnifique, elle peut nous permettre de faire des choses formidables, mais c’est une ressource non-renouvelable qu’on épuise très vite.

Pour ceux qui pensent que cette ressource est précieuse, on peut imaginer de nouveaux équilibres pour essayer de la préserver avec y compris des processus de dénumérisation, ce qui n’est pas du tout dans l’imaginaire collectif pour l’instant.

Il faut aussi comprendre à quel point il se joue quelque chose au niveau de la recommandation par Internet, avec l’économie ou l’écologie de l’attention, dans la façon dont les œuvres sur Internet sont qualifiées et la plupart disqualifiées, et n’arrivent donc pas aux publics.

Contrairement à ce qu’on a pu entendre dire, le numérique n’est pas toujours un outil de développement de nouveaux publics du fait de ces mécanismes de l’économie de l’attention. Il y a aujourd’hui un écosystème en lutte contre une industrie très forte portée par le capitalisme attentionnel. Face aux milliards d’euros qui sont mis sur la table pour capter l’attention des jeunes sur TikTok ou ailleurs, un centre de développement chorégraphique ou encore un musée ne peut pas lutter. Il va finalement toucher par ses outils numériques le public qu’il touche d’habitude par sa communication traditionnelle.

Cette question s’est posée notamment lorsque le Pass Culture a essayé de déterminer ce que pouvait être un algorithme de service public. Comment travailler la découvrabilité ou la recommandation d’une œuvre ? C’est un vrai enjeu du numérique culturel.

On peut poser là d’autres intentions :

  • Identifier les fractures culturelles numériques
  • Monétiser les productions artistiques qualifiées
  • Promouvoir la frugalité numérique (lower tech)

La lower tech est l’idée d’aller toujours chercher la technologie minimale nécessaire à un usage. On ne refuse pas la technologie mais on va chercher la technologie minimale pour ne pas être dans une course à la maximisation qui fait qu’aujourd’hui, nous avons des dispositifs sonores qui ne sont même plus accessibles à l’oreille humaine. Il nous est proposé des qualités de son qui nous sont inaccessibles, en tout cas à l’oreille d’une partie de la population.

Défendre un rapport au sensible par une écologie des pratiques numériques, c’est l’écologie de l’attention, en ayant en tête que en ce moment dans la culture, le numérique, c’est selon nous, le principal facteur de hausse des émissions. Donc le développement actuel du numérique vient complètement en contradiction avec les impératifs de soutenabilité.

Nous ne sommes pas du tout anti-numérique, plutôt technophiles, je pense que le numérique peut nous aider à plein d’endroits (exemple des Assises de l’économie circulaire), mais il y a une très grande prudence à avoir.

Pour faire une synthèse en termes d’analyse, et qui est à mettre en débat, le numérique en tant qu’outil de réduction des impacts de bureau, est particulièrement pertinent.

En tant qu’outil d’expérimentation, c’est également pertinent à l’échelle des artistes, tant que nous sommes dans l’expérimentation et pas dans la massification des usages puisque le numérique en tant que source d’impact est contenu.

L’écoconception et la sobriété vont être nécessaires voire indispensables ; la massification des usages culturels ne pourra pas être soutenable au vu de la quantité d’énergie et de métaux employés.

Ce qu’il devrait être posé au niveau de la Commission Metavers au niveau du ministère de la Culture, c’est la question des volumes de métaux et d’énergie qui vont être nécessaires pour que fonctionne votre infrastructure metavers.

S’ils ne sont pas en capacité de répondre à cette question, ils ne seront pas en capacité de répondre à quelque chose de critique par rapport à leur modèle industriel.

Nous n’avons pas peur d’un avenir dystopique, entièrement digital, nous avons plutôt peur de la disparition de ce bel outil parce qu’on en aura fait n’importe quoi, genre regarder des vidéos de chatons en 5G dans le métro plutôt que des usages vraiment importants, intéressantes et essentielles.

Il me semble que du coup, oui l’idée d’hybridation des usages est possible.

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Nouveaux modèles éditoriaux numériques

AdobeStock par Acento Creativo
Mis à jour le 13 décembre 2022

Retour sur la table ronde animée par Pierre Pulliat, qui a eu lieu dans le cadre du Forum Entreprendre dans la Culture en Nouvelle-Aquitaine, le 9 novembre 2022.

État des lieux du marché de la BD numérique : la force du webtoon

État des lieux du marché de la BD numérique : la force du webtoon

Voilà presque deux ans que nous avons lancé des pistes de réflexions autour de l’évolution de la pratique de la bande dessinée numérique en France. Depuis ce laps de temps, le marché s’est assurément développé (de 4% en 2020, ce chiffre a doublé en 2022 d’après Gfk) mais à un rythme nettement moindre que les marchés asiatiques ou américains (où les lectures numériques en volume ont dépassé le nombre d‘achats physiques depuis 2 ans).

Les initiatives éditoriales initiées durant les périodes de confinements des années 2020 façonnent désormais le marché actuel.

On remarquera l’émergence de structures éditoriales venues du Net, à l’image de Bubble, Space Man Projet ou les éditions Exemplaire qui ont su développer un lectorat via leurs publications numériques et campagnes participatives pour ensuite mieux diffuser le modèle physique de leurs ouvrages dans un second temps. Ainsi, la BD franco-belge semble adopter une économie hybride entre les titres prépubliés numériquement qui deviennent des ouvrages particulièrement attendus en librairie. C’est aussi la politique adoptée par l’éditeur Dargaud avec Mâtin ! qui propose sur Instagram un strip inédit quotidien depuis le 15 avril 2020 sur des sujets de société ; au fil des épisodes les publications sont reprises en albums dans la collection Mâtin ! et sont disponibles dans les points de vente.

PowerPoint présentation de Pierre Pulliat page 12
Extrait PowerPoint présentation de Pierre Pulliat (page 12)
Le webtoon

Le webtoon

Le genre de BD numérique le plus visible et exposé depuis ces deux ans est assurément le webtoon.

Ainsi le format s’est naturellement imposé pour le plus grand vecteur de lecture, particulièrement auprès des jeunes générations séduites par les modèles de publication en épisodes et son économie d’achat alternative (système de jetons et autres monnaies virtuelles).

Venu de Corée, le webtoon est une force d’attraction qui fascine les lecteurs du monde entier ; nous comptons en France environ 1 million de lecteurs réguliers. Le terme webtoon ne désigne plus seulement les récits coréens mais toutes formes de bande dessinée qui se lit verticalement selon un mouvement de scrooling. De plus, avec l’internationalisation du format et la facilité à publier, chaque artiste peut proposer librement ses créations sur les plateformes pour générer sa propre influence. C’est aussi l’opportunité pour des créateurs ou des studios de proposer une nouvelle offre de services éditoriaux.

Actuellement, une grande majorité des titres populaires sont cristallisés autour des genres fantasy et romance à destination des jeunes publics, ce qui entraine naturellement les plateformes de diffusion (à savoir Webtoon de Naver et Piccoma de Kakao) à creuser toujours plus ce sillon éditorial.
Cependant même dans l’ombre des épisodes qui entrainent des millions de lecteur, il est possible de proposer des démarches plus originales aux thématiques plus larges ou des œuvres de niche bien identifiées.

PowerPoint présentation de Pierre Pulliat page 7
Extrait PowerPoint présentation de Pierre Pulliat (page 7)

C’est notamment le cas des productions des studios Makma et Citytoon. Ces deux studios neo-aquitains, Makma est basé à Bordeaux et Citytoon à la Rochelle, œuvrent pour une ouverture du genre et proposent des initiatives de webtoons originales.
Evidemment, les deux studios ne sont pas comparables en terme de taille et d’économie : Makma est une SAS avec 21 ans d’activité, 15 salariés et plus de 300 collaborateurs répartis dans le monde tandis que Citytoon est une association de 3 auteurs qui ont mutualisé leurs talents.
Toutefois, leurs démarches artistiques et leur positionnement vis-à-vis du marché se rejoignent souvent.

Retours d’expériences de studios néo-aquitains

Retours d’expériences de studios néo-aquitains

Le 8 novembre 2022, dans le cadre du forum Entreprendre dans la culture en Nouvelle Aquitaine, s’est tenue une rencontre, avec François Tallon et Olivier Lebleu du studio Citytoon et Stephan Boschat, co-fondateur du studio Makma de Bordeaux (voir vidéo du dossier).

Les studios ont présenté leurs travaux et leurs lignes éditoriales devant un auditoire de professionnels et d’un public connaisseur du genre webtoon.

Nous vous proposons de reprendre certains temps forts de ces retours d’expériences professionnelles.

Studio Makma

Stephan Boschat nous explique que leur studio n’a jamais été aussi sollicité pour des services éditoriaux (lettrages, traductions, adaptations) depuis l’explosion du webtoon (dès 2020). D’après son analyse, « La France n’est pas encore un marché qui consomme des webtoons, il faut passer par une étape physique pour acclimater le marché. C’est là que nous intervenons car pour bien convertir entre les deux physiques, il faut l’intervention de professionnels qui connaissent bien les différentes grammaires. »

PowerPoint présentation de Pierre Pulliat page 17
Extrait PowerPoint présentation de Pierre Pulliat (page 17)

Le studio Makma se fait fort d’être à la pointe de la « pintoonization ». Ce néologisme synthétise les étapes nécessaires à la conversion du format numérique vers le physique le plus organiquement possible. Ainsi, le studio emploie des auteurs de bande dessinée confirmés afin de redécouper les successions de cases publiées en épisodes en planches équilibrées pour une lecture optimale. Même si la printoonization de webtoon n’est pas la seule activité du Makma, elle s’est imposée comme la plus grande source de commandes occupant plus de la moitié des activités du studio.

À propos de la nécessité de fonder un studio de création :

« Nous avons eu une expérience récente de création, où nous avons réalisé une série d’une soixante de bandes dessinées sur l’histoire de France. Nous avons remporté l’offre car nous nous sommes rendu compte qu’aucun studio en France n’avait les ressources pour pouvoir effectuer ce genre de publication à un rythme aussi élevé. Nous avons développé la capacité de coordonner des auteurs pour un rythme de 2 albums par mois.
Notre objectif de création est d’investir dans des talents pour présenter des épisodes « pilotes » à des plateformes. Pour l’instant c’est un risque financier que nous assumons mais nous croyons qu’il faut se positionner dès maintenant, notamment auprès des acteurs internationaux.
Notre volonté est de produire dans les codes des partenaires éditoriaux tout en gardant la saveur du patrimoine culturel français pour réussir à nous les réapproprier, à l’image d’une œuvre multi-adaptée comme Les Trois Mousquetaires. »

Le co-fondateur du studio nous alerte sur la condition des auteurs :

« À l’heure actuelle, l’activité du webtoon paye mal et précipite les créateurs dans une certaine précarité s’ils n’arrivent pas à s’organiser efficacement. Nous pensons que la politique de production de notre studio permet aux auteurs de faire leur travail avec plus de sérénité et leur permet d’être plus efficace. »

Studio Citytoon

Le studio Citytoon, créé en 2021, s’emploie à utiliser le genre webtoon (voir interview) comme un vecteur de savoir et de curiosité, notamment en mettant en scène des anecdotes historiques ou en expérimentant avec une dimension transmédias.

« Le webtoon est pour nous un médium dont le fond guide la forme, c’est pourquoi nous souhaitons nous détacher des codes des séries de genres. Notre ambition est de lier les partenaires locaux et développer l’animation culturelle. »

Grâce à des partenariats noués avec l’office du tourisme de l’Agglomération de La Rochelle, le château de Buzay, et la mairie d’Esnandes (17), Citytoon publie des webtoons à saveur patrimonial pour donner envie de découvrir les histoires et les lieux emblématiques de la Charente. Par ce format, l’objectif est de sensibiliser les jeunes générations. Les publications en cours de travaux au moment de réalisation de cet article sont à retrouver ici.
Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que les auteurs publient les épisodes à différentes étapes de leurs créations (des crayonnés jusqu’au rendu final) avec aussi une volonté pédagogique assumée. Toujours dans une optique de transmission, le studio a initié une masterclass de créateurs de webtoon au printemps 2022, en partenariat avec XxPEN, afin d’initier de jeunes auteurs aux techniques et à la narration spécifique du genre.

« Nous avons aussi la volonté d’introduire une autre dimension grâce au transmédias : rajouter des cartes, des liens pour vous rendre sur les sites originaux. Nous souhaitons utiliser le média dans toute ses possibilités, s’affranchir des codes des genres pour délivrer un message plus large avec un fond historique. »

À propos du financement et de la question de la rémunération des auteurs :

« Nous cherchons un financement avant de se lancer dans la production du webtoon.
Pour nous, l’idée était d’avoir un partenaire pour financer le projet, sans droits d’auteur mais avec la liberté de développement. Nous sommes dans une économie locale très concrète avec des partenaires et des sujets très proches de nous, sans un enjeu de rentabilité.
Webtoon paye environ 400 euros par épisode, Naver garde les droits numériques mais laissent les auteurs libres de pouvoir négocier les droits de « pintoonization ». »

Olivier Lebleu rajoute que les droits de rémunération doivent nous inquiéter aujourd’hui pour éviter des mauvaises habitudes et les pratiques abusives.

Nous le voyons, les deux studios ont à cœur de travailler à une échelle locale pour une exposition plus large et toucher un public à l’international. Les participants rappellent qu’il est important dans ce marché ultra concurrentiel de nouer des relations, notamment avec des partenaires internationaux, en plus des acteurs locaux.
On retiendra de ces témoignages que le webtoon n’est donc pas figé dans ses thématiques ni dans son rayonnement et que l’offre reste encore à façonner.

Article réalisé en collaboration avec Pierre Pulliat,
Formateur/enseignant Bande dessinée à l’École de la Librairie ;
Rédacteur magazine Bd manga comics à Biblioteca ;
Libraire (Bédélire, Pulp’s, Aaapoum Bapoum).

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Quand le numérique et l’immersif se mettent au service de l’art, du patrimoine et de la médiation

AdobeStock par Stnazkul
Mis à jour le 15 décembre 2022

Le 12 octobre 2022, dans le cadre du festival Courant3D à Angoulême, des porteurs de projets soutenus par le programme Cultures Connectées ont présenté leur démarche, leur approche avec une dimension immersive.

Contexte

Le programme Cultures Connectées a été mis en place en 2015 à l’échelle de l’Aquitaine et, depuis 2020, il est élargi au territoire de Nouvelle-Aquitaine. Il est co-piloté par la Région Nouvelle-Aquitaine et la Direction Régionale des Affaires Culturelles.

Visuel Cultures Connectées Nouvelle-Aquitaine 2022 / Photo by Bit Cloud on Unsplash
Visuel Cultures Connectées Nouvelle-Aquitaine 2022 / Photo by Bit Cloud on Unsplash

« Il a été rénové plusieurs fois pour devenir un appel à projet très transversal, très transdisciplinaire, dans une volonté et une vision d’accompagner l’hybridité. Tous les projets qui intègrent du numérique en matière de création artistique ou de médiation peuvent être accompagnés par ce programme. »

Gaëlle Gerbault, responsable du service Numérique Culturel de la Région Nouvelle-Aquitaine –

« Ce sont des projets qui permettent de toucher toutes les disciplines, allant du patrimoine au livre, au spectacle vivant à la musique, au travers du numérique. »

Yves Le Pannerer, conseiller pour le cinéma, l’audiovisuel et le numérique à la DRAC. –

Et pour la première fois, des institutions, des compagnies, des chercheurs ont pu partager, dans un cadre public, leur projet en cours, sur le point d’être finalisé ou déjà réalisé. Depuis 2020, l’idée était lancée d’inscrire une présentation dans le cadre du festival Courant 3D, elle s’est finalement concrétisée en 2022. Cette journée a permis de valoriser des projets qui ont souvent été ralentis dans leur mise en œuvre et permis aussi d’avoir un retour d’expériences.

Cette journée était l’occasion de mettre en lumière des projets très divers dans leur forme soutenus dans le cadre du programme Cultures Connectées. Ils font appel à des collaborations très différentes, des écritures et des formats qui le sont tout autant.

En deux temps, cet après-midi du 12 octobre a permis de saisir toute la recherche et la réflexion nécessaires pour avancer sur de tels projets.

L’immersion au service de l’hybridité artistique

L’immersion au service de l’hybridité artistique

Spectrographie, conte de l’île étoilée

« Spectrographie, conte de l’île étoilée » est imaginé par un philosophe et dramaturge Dénètem Touam Bona en lien avec un lieu : le Centre International d’Art et du Paysage de l’île de Vassivière en Haute-Vienne. Cette structure soutient la recherche, l’expérimentation, la production et la diffusion de l’art contemporain.

Dans le cadre du Centre International d’Art et du Paysage a été conçu un parc de sculptures contemporaines appelé « le Bois de sculptures », composé de soixante-quatre œuvres, implantées dans la végétation du site et qui reflète les grands mouvements de la sculpture contemporaine…

Et dans ce parc de sculptures doit s’intégrer « Spectrographie : Conte de l’île étoilée », un parcours filmique et permanent. Trois performances filmées ont été réalisées en réalité virtuelle, elles sont portées par des artistes de différents horizons et sont accessibles grâce à trois artefacts autour d’esprits de la forêt… Le tout a demandé un important travail de développement et de recherche et peut être diffusé sous différents formats et technologies.

L’inauguration s’est déroulée le 19 novembre 2022.

Shangri-La

Présenté par Christelle Derré, directrice artistique et artiste transmedia du Collectif Or Normes, et Martin Rossi, scénographe et développeur multimédia du Collectif Or Normes.

Le point de départ de ce projet est la BD de science-fiction Shangri-la de Mathieu Bablet parue en 2016 chez Ankama. L’album part du postulat que la terre n’est plus habitable et raconte la vie des humains qui se sont réfugiés à bord d’une station spatiale. Une multinationale, Tianzhu Entreprise, dirige l’ensemble.
Avec ce projet, l’enjeu est de faire évoluer cette BD en une expérience visuelle et musicale inédite. Pour le collectif Or Normes, ce récit futuriste et ses différents questionnements ont représenté un coup de coeur. L’écriture en trois parties de cette BD a permis de décliner plusieurs approches et supports pour raconter cette histoire :

  • une smartfiction sur téléphone portable sous la forme d’un inédit, créé avec Mathieu Bablet, autour de personnages secondaires. L’objectif est ici de permettre l’interaction avec les spectateurs en direct et un ajout dans la narration avec des éléments supplémentaires. Cette smartfiction peut se lire de façon totalement indépendante, mais fait également le lien avec le concert immersif.
  • un concert immersif transmedia qui vient s’intégrer dans le récit Shangri-la sous la forme d’une fête nationale. En s’appuyant notamment sur 4 écrans géants installés en cube, les spectateurs sont plongés dans l’univers de l’histoire pour une découverte des visuels animés autour la vie de la station Tianzhu. Des personnages de la BD sont incarnés par trois musiciens installés aux angles qui jouent en direct.
  • une expérience en réalité virtuelle qui mêle motion comics et bande originale inédite en son binaural pour la suite de l’aventure du personnage principal.

La première du concert a eu lieu le 25 septembre 2021 au théâtre du Cloitre de Bellac.

L’immersion pour renouveler les approches de la médiation patrimoniale

L’immersion pour renouveler les approches de la médiation patrimoniale

Immersion pour tous et pérenne dans des stéréophotographies

« Immersion pour tous et pérenne dans des stéréophotographies » permet de mettre en valeur plus de 15 000 images stéréoscopiques de collections publiques et privées du monde entier allant de 1850 jusqu’à 1950.
Ces photos ont été réalisées par des anonymes ou des professionnels de cet art. Elles ont été numérisées, localisées et analysées pour être valorisées et pouvoir être consultées par le grand public. C’est l’occasion de plonger dans des lieux, des ambiances…
L’enjeu est de conserver ce contenu, mais bien de le rendre accessible le plus largement possible.
Une stéréothèque, un conservatoire des données des stéréographies, a donc été mise en place avec une dimension de médiation. L’enjeu est que chacun puisse découvrir ces images en 3D en s’appuyant sur un logiciel et un outil de visualisation en ligne.

Archéologramme

« Archéologramme » s’inscrit dans le cadre du schéma d’interprétation du patrimoine de Haute-Corrèze. L’enjeu est de pouvoir valoriser les découvertes concernant la période de l’Antiquité à travers différents sites sur ce territoire.

Avec « Archéologramme », l’objectif est de s’appuyer sur la technique de l’hologramme pour montrer et diffuser des objets archéologiques retrouvés sur le site du sanctuaire gallo-romain des Pièces Grandes, à l’est de la Corrèze : statuettes représentant des divinités ou des animaux, monnaies romaines. Parmi les objets à découvrir en hologramme : une maquette en 3D d’une reconstitution de temple.

Grâce à une vitrine transportable sur des lieux de médiation, la découverte de ces objets et leur sens peuvent être facilement partagés auprès de différents publics avec la technique de l’hologramme.

C’est le 14 mai 2022 que la vitrine a officiellement été présentée pour la première fois au public.

La Digitale : maison natale de Jean Giraudoux

Présenté par Christelle Derré, directrice artistique et artiste transmedia du Collectif Or Normes, et Martin Rossi, scénographe et développeur multimédia du Collectif Or Normes.

Un projet de transformation de la maison natale de l’auteur de théâtre Jean Giraudoux a été mené à Bellac en Haute-Vienne. Il est devenu musée numérique sous le nom La Digitale : Maison natale de Jean Giraudoux.

L’ensemble repose sur des installations interactives et immersives avec, au rez-de chaussée, une approche plus muséale grâce à une table interactive. Dans les pièces des étages est développé un parcours du spectateur où il devient complètement acteur.

Le tout a été pensé par une équipe réunissant trois dimensions : artistique, technique, scientifique. Chaque œuvre fait appel à des compétences différentes. L’équipe a notamment travaillé sur la conception d’objets interactifs où il faut tenir compte des questions de logiciel, de matériel et de mobilier. Le public peut ainsi découvrir la reconstitution d’une table des communications pensée autour des interrogations sur le possible antisémitisme de Jean Giraudoux, un buste avec un déclenchement de citations de l’auteur qui viennent s’inscrire dessus ou deux affiches qui s’appuient sur de la réalité virtuelle…

Un escape game a aussi été développé sur la mystérieuse mort de Jean Giraudoux.

Toute une série d’animations et de supports est donc décliné : théâtre, lectures, escape game, serious game, projections, salle immersive, réalités augmentées, tablettes, lunettes de réalité virtuelle. Ce musée numérique doit permettre de valoriser et de remettre à l’honneur l’œuvre de l’auteur, sa vie et sa maison en utilisant les technologies existantes pour le faire découvrir à travers ses mots, ses textes, l’homme qu’il était.

L’inauguration s’est déroulée le 10 juin 2022.

Les aventures de Rose

Présenté par Cyril Faucher, enseignant-chercheur – L3i La Rochelle Université, Annick Lassus, enseignante – département informatique IUT de La Rochelle, Ludovic Guy, médiateur de ressources et de services – Atelier Canopé 17, et Samuel Lastère, médiateur de ressources et de services – Atelier Canopé 17.

Ce projet s’inscrit dans le cadre d’une démarche plus large d’étude et de développement de parcours de visites scénarisées qui peuvent être intégrés à des produits numériques de médiation. Ils sont ensuite accessibles aux publics des musées de Nouvelle-Aquitaine.

Ces parcours de visite peuvent prendre différentes formes comme des applications mobiles ou un serious game pour les scolaires.

« Les aventures de Rose » est un jeu d’enquête à énigme pour permettre une approche ludo-éducative et de collaboration pour des élèves de cycle 3 (CM1 à 6ème) au sein d’un musée. L’application fait référence directement aux collections de la structure et invite aussi à une découverte scientifique et de métiers, par exemple le paléontologue pour le musée d’Angoulême.

La volonté est d’avoir un jeu facilement accessible par les élèves et qui s’adapte au nombre qu’ils sont dans la classe.

Le scénario-modèle existe, décliné en storyboard, pour le Musée d’Angoulême, musée pilote. Le développement du jeu s’est affiné progressivement en s’appuyant sur les retours et réactions des élèves.

Pour faire en sorte que Les aventures de Rose soit un jeu duplicable, il faut rendre les contenus modifiables et adaptables facilement par d’autres musées. En tout cas, les structures sont visiblement en attente et en demande de ce type d’outil.

L’immersion comme outil d’interaction et de création artistique

L’immersion comme outil d’interaction et de création artistique

Scènes Virtuelles

« Scènes Virtuelles » représente une nouvelle forme d’expression artistique qui s’appuie sur la création musicale et qui trouve un nouvel équilibre avec l’art visuel et les nouvelles technologies.

L’idée a germé pendant la pandémie alors que beaucoup d’ensembles spécialisés proposaient des concerts de musique enregistrés. Mais pour Proxima Centauri, l’expérience proposée était trop limitée notamment sur la dimension de sociabilité.

Du coup, le point de départ est de faire vivre et ressentir à l’auditeur une expérience sonore et visuelle nouvelle grâce à une immersion en réalité virtuelle. L’auditeur peut directement interagir avec les musiciens et la perception de l’oeuvre jouée en fonction de l’endroit où il se situe…

Il est prévu toute une collection d’oeuvres musicales et visuelles… Pour l’instant, la première réalisée est Analog signée de Christophe Havel de Proxima Centauri et de l’artiste visuel Vincent Ciciliato.

Les prochaines œuvres devraient permettre davantage encore de liberté dans le déplacement pour l’auditeur/spectateur.

Transmutation d’une collection

« Transmutation d’une collection » vise à de la médiation autour d’œuvres du FRAC-Artothèque de Nouvelle-Aquitaine qui en compte plus de 7300. En 2023 à Limoges ouvrira le nouveau FRAC-Artothèque autour d’expositions et de la présentation de collections et également d’un important programme numérique présenté notamment à travers une boîte immersive. Au coeur de ce dispositif, entre autres, « Transmutation d’une collection ».
Ce projet est une expérience de création artistique avec David Legrand et d’autres acteurs et partenaires dont des étudiants. L’idée étant d’approcher différemment les œuvres du FRAC-Artothèque dans le numérique en les valorisant, en les interrogeant pour les combiner ou les mixer entre elles, ce qui donne naissance à de nouvelles œuvres en 3D.
Pour pouvoir parvenir à ce projet, il faut notamment la réalisation d’une interface « d’engendrement » pour créer des « créatures numériques ».

Le Récit des multitudes

Présenté par Stéphane Jouan, directeur de l’Avant-Scène Cognac.

Une réflexion a été lancée en 2015 par l’Avant Scène Cognac sur deux grandes dimensions : le théâtre comme lieu de vie porté par l’agir collectif et la transition numérique. Cette réflexion a été confortée par la pandémie et s’est élargie sur les questions de relation au public, de modalités de création, de production et de diffusion des arts vivants.

Après avoir tenté une approche au départ a priori trop compliquée, Le Récit des multitudes a été défini pour rejoindre le public là où il est, c’est-à-dire dans la rue. Il avance donc des éléments sous la forme d’une application pour smartphone où des contenus artistiques et l’espace public interagissent. C’est un récit sous forme de quêtes qui se module en fonction de différents paramètres.

Le lancement officiel du projet s’est vécu le 24 juin 2021.

Sa Majesté des mouches

Présenté par Matthieu Léonard, directeur artistique de la Compagnie Ribambelle, Gabriel Bouty et Sébastien Girard, scénographes.

Le roman « Sa Majesté des Mouches », écrit par William Golding, suit un groupe d’une vingtaine d’enfants de 6 à 12 ans devant s’organiser et survivre dans un monde sans adultes sur une île déserte. Le projet d’adaptation est né d’une envie d’écrire une pièce sur la parole publique dans le groupe.

Dans une mise en scène immersive et interactive s’appuyant sur différentes technologies, Sa Majesté des Mouches est un projet d’adaptation transdisciplinaire et transmédia de ce roman avec des élèves de 14 à 16 ans. Etant donné le contexte de création lié à la crise sanitaire, l’enjeu consistait d’abord à mener le processus créatif et pas d’abord et avant tout à aboutir à un partage avec le public.

Le projet devait mêler théâtre, projection vidéo et technologie numérique pour servir l’ambiance de cette histoire et la représentation de la violence. Les outils du numérique ont notamment comme intérêt, dans ce projet, de renforcer les expressions artistiques traditionnelles. L’équipe avait aussi la volonté de trouver l’équilibre et de laisser véritablement la place aux jeunes comédiens et à leur jeu.

La création du projet a eu lieu le 19 mai 2022, à l’Espace d’Albret, dans la ville de Nérac dans le Lot et Garonne.

Atom

Présenté par Yann Nguema à la direction artistique et Arnaud Doucet à la production (Anima Lux).

Ce projet est centré sur un sujet : l’exploration d’une figure géométrique complexe de la famille des polytopes 4D. Il s’inscrit en fait dans une démarche plus large qui doit prendre la forme d’une exposition fin 2023 autour de l’utilisation de l’image et de la projection d’images sur des supports aux propriétés optiques particulières.

Au cœur de ce projet : la difficulté de représentation de cette figure complexe avec tout ce qu’elle peut révéler, de façon surprenante, comme beauté et poésie… à travers ce qui est de la géométrie et de multiples symétries.

L’enjeu d’Atom est de travailler à la réalisation d’un film en stéréographie pour approcher ce polytope 4D à partir de son algorithme. Il s’agit de détourner, de déformer cette figure… pour rechercher une dimension artistique et esthétique. Un contenu expérimental qui aurait du sens pour être diffusé dans une salle basée sur l’immersion.

Une autre dimension de ce projet consiste en effet à un travail pour mettre en place une salle de projection immersive permettant de regarder Atom sans casque de réalité virtuelle mais simplement avec des lunettes 3D. L’idée est ici de mettre en oeuvre des projections sur 3 faces tout en recherchant la meilleure qualité possible.

Conclusion

Conclusion

Ces 11 projets, présentés le 12 octobre 2022 à Angoulême dans le cadre de Courant3D, ne sont qu’un petit aperçu de l’accompagnement porté par le programme Cultures Connectées.

« La diversité est grande avec cet enjeu de décloisonner les esthétiques. »

Gaëlle Gerbault –

Article réalisé en collaboration avec Erica Walter,
journaliste à RCF Charente.

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Restitution du webinaire : Diffusion de spectacles en ligne

Une personne regardant l'écran de son smartphone
Temps de lecture 2 minutes
Mis à jour le 31 mars 2023

Retour sur le webinaire « Diffusion de spectacles en ligne : partageons autour d’expérimentations nées de la crise sanitaire » du 9 avril 2021, avec les intervention d’Albin de La Tour, directeur du festival 1001 Notes, Lise Saladain, directrice de la Manufacture CDCN Nouvelle-Aquitaine et Jean-François Alcoléa de la compagnie Alcoléa & Cie.

L’agence A Nouvelle-Aquitaine et la Région Nouvelle-Aquitaine ont proposé le vendredi 9 avril 2021 un webinaire intitulé « Diffusion de spectacles en ligne : partageons autour d’expérimentations nées de la crise sanitaire » pour faire suite à la table-ronde « La diffusion d’œuvres en ligne : études de cas dans le spectacle vivant » organisée lors du forum Entreprendre dans la Culture en Nouvelle-Aquitaine de novembre 2020.

L’occasion de revenir sur les projets en temps de confinement et de restrictions sanitaires du festival 1001 Notes, de la Manufacture CDCN Nouvelle-Aquitaine et de la compagnie Alcoléa & Cie, avant que les participants ne puissent interagir avec nos intervenants.

Les intervenants

Albin de La Tour, directeur du festival 1001 Notes

Albin de La Tour est ainsi revenu sur leurs tentatives de diffusion en live de « concerts confinés » (« Aux Notes Citoyens ») et les captations de concerts en plein air réalisées en 2020.

Aux Notes Citoyens n°1 – Artuan de Lierrée
Teaser concert Simon Ghraichy & Friends sur l’lle de Vassivière – Festival 1001 Notes
Bilan Festival 1001 Notes 2020 édition déconfinée

Lise Saladain, directrice déléguée à La Manufacture CDCN

Lise Saladain est quant à elle intervenue pour présenter leur projet « Danse on Air », un programme de culture chorégraphique en ligne. Accéder au document de présentation.

Initialement pensé pour proposer un espace de réflexion et de pratique autour de la danse pendant le confinement du printemps 2020, il devient un outil permanent, conçu par un groupe de réflexion composé de membres de l’équipe de La Manufacture CDCN, de Marcela Santander Corvalan (artiste associée au CDCN), de La Tierce (artistes compagnons) et d’Agnès Benoit (danseuse et fondatrice de la librairie nomade Books on the move).

Danse on Air, présentation
Danse on Air, présentation

Jean-François Alcoléa, directeur artistique compagnie Alcoléa

Jean-François Alcoléa évoquait quant à lui les problématiques de diffusion à l’international depuis le début de la crise sanitaire ; en effet, ne pouvant jouer à Toronto comme prévu à cause de la crise sanitaire, la compagnie a testé la diffusion de son ciné-concert En plein dans l’œil en livre streaming depuis Jaunay-Marigny en Poitou-Charentes.

En plein dans l’œil – ciné concert d’après l’œuvre de Georges Méliès – teaser
Reportage France 3 – Live Streaming En plein dans l’œil – ciné-concert Méliès
Le replay du webinaire

Le replay du webinaire

Webinaire – Diffusion de spectacles en ligne : expérimentations nées de la crise sanitaire

Index de la vidéo

  • 2’20 : présentation de l’agence A Nouvelle-Aquitaine
  • 9’35 : présentation du service Numérique culturel de la Région Nouvelle-Aquitaine
  • 14’05 : intervention d’Albin de la Tour, directeur du festival 1001 Notes
  • 25’10 : intervention de Lise Saladain, directrice déléguée de la Manufacture CDCN Nouvelle-Aquitaine
  • 42’40 : intervention de Jean-François Alcoléa de la compagnie Alcoléa & Cie
  • 58’00 : questions des participants
Ressources en lien
Autres articles du dossier
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La transformation numérique d’une structure culturelle

Temps de lecture 12 minutes
Mis à jour le 28 février 2022

Comme d’autres types d’organisations, les besoins en développement des opérateurs culturels peuvent être soutenus par les potentialités d’un nouvel outillage numérique. Cette appropriation du numérique, tant dans les outils que les nouvelles pratiques qu’ils induisent, peut entraîner de réelles améliorations sur les plans de l’organisation interne, de leurs relations avec les partenaires ou de leurs publics.

De la communication à la production, de la régie technique à la médiation, le numérique peut avoir un réel effet levier si, dès l’origine de la transformation de l’opérateur, les bonnes questions sont posées : quels sont les objectifs ? Pour quels besoins ? Quelles méthodes de travail plus efficientes peuvent en découler ? Quelles sont les compétences à développer ou à rechercher ? Des interrogations auxquelles les participant·e·s de cette table-ronde ont essayé de répondre par leur retour d’expériences.

L’Abbaye aux Dames

L’Abbaye aux Dames – Frédéric Saint-Pol, directeur adjoint

Au cœur de la Nouvelle-Aquitaine, la musique et l’histoire sont indéfectiblement liées. Lieu de création depuis plus de 40 ans, la redécouverte de la musique baroque à l’Abbaye aux Dames a participé à la réhabilitation du site patrimonial : des renaissances mutuelles pour un rayonnement nouveau.

Labellisée Centre Culturel de Rencontre, l’Abbaye aux Dames propose un projet culturel unique articulé autour de quatre grands objectifs :

  • accueillir et mettre en valeur le site, dans la continuité d’influence de ce lieu millénaire d’hospitalité ;
  • former et transmettre grâce à une approche simple, immédiate et décomplexée. La musique devient un véritable outil de lien social ;
  • produire et diffuser des concerts dans une quête constante d’exigence ;
  • développer l’autonomie financière par le déploiement d’activités commerciales.
Abbaye aux Dames quelques chiffres
Slide extraite de la présentation de l’Abbaye aux Dames – novembre 2019
L’Abbaye aux Dames

Du célèbre Festival de Saintes à la formation de jeunes musiciens venus du monde entier – le Jeune Orchestre de l’Abbaye –, en passant par des saisons de concerts, l’Abbaye aux Dames est « la cité musicale ».

Le projet Musicaventure

Musicaventure : le projet d’étapes en étapes

Étape 1 : constat et identification des besoins

L’Abbaye aux Dames est en cœur de ville, le lieu est traversé en permanence. C’est un lieu de passage, d’apprentissage de la musique, de visite touristique et de culte.
En 2011, l’équipe de l’Abbaye aux Dames constate que l’histoire musicale, le patrimoine immatériel de l’Abbaye, ne trouvait pas son public, n’était pas visible ou peu accessible à des néophytes. Le besoin de rééquilibrer les choses entre patrimoines bâti et immatériel s’est donc fait ressentir.

Notre enjeu en tant que CCR (centre culturel de rencontre) c’est d’être dans une écriture sensible et intelligente et en même temps de tisser les ponts pour que toutes les personnes puissent y accéder.

En 2011, on a voulu réfléchir à un projet pour améliorer et augmenter les visites de ce lieu mais nous avons fait l’erreur de ne mettre que des gens de la culture autour de la table. […] On a accouché d’un pétard mouillé sur le sujet, avec des luttes intestines entre structures culturelles […] et du coup on n’a rien fait !

Frédéric Saint-Pol, directeur adjoint –

En 2014, en réponse à ce besoin la structure change de nom et de communication et devient « L’Abbaye aux Dames, la cité musicale ».

Or, on était cité musicale 10 jours par an pendant le festival. Pour créer ce continuum et donner une mise en valeur du patrimoine immatériel qu’est la musique il fallait absolument s’entendre avec tout l’écosystème. […] Dès que l’on souhaite valoriser un lieu en allant sur de l’innovation, il faut s’entendre avec toutes les parties prenantes du lieu sur les objectifs.

Frédéric Saint-Pol, directeur adjoint –

Étape 2 : méthodologie et gestion de projet

Après l’échec de 2011, l’équipe de l’Abbaye a changé de méthode. Un comité de pilotage du projet réunissant tous les secteurs qui gravitent autour de l’abbaye (tourisme, hôtellerie, clergé, culture, patrimoine, social) a été mis en place et le rôle de chef de projet a été clairement assumé par Frédéric Saint-Pol de l’Abbaye.

Frédéric Saint-Pol, forum 2019
Frédéric Saint-Pol, directeur adjoint de l’Abbaye aux Dames

[…] il fallait s’entendre sur les mots utilisés : certains parlaient d’usagers, de clients, de publics et on s’est entendu sur le fait qu’on était à peu près tous ces gens-là et que ce que l’on devait donner à nos visiteurs c’était une expérience interactive, dynamique, ludique et qui en même temps fait sens.

Frédéric Saint-Pol, directeur adjoint –

Ce comité de pilotage a produit un cahier des charges en indiquant les enjeux et le sens du projet sans cibler des technologies spécifiques.

Dans l’animation des réunions j’ai contraint les gens à ne pas s’enfermer dans leur jargon respectif et on s’est contraint à réfléchir à l’éthique, au sens du projet et à laisser ensuite la technique, la mise en forme aux personnes compétentes.

On a donné des contraintes de temps, d’espace : il fallait une visite sur un format qui corresponde à un public plus jeune, plus dynamique. Le parcours en terme d’écriture fait pile-poil 52 minutes, en référence au format télévisuel.

Frédéric Saint-Pol, directeur adjoint –

Frédéric Saint-Pol n’a pas de compétences particulières en matière de numérique ou d’innovation. Le comité de pilotage a donc fait le choix de sélectionner des prestataires qui ont répondu au cahier des charges de façon claire et intelligible pour tous.

J’ai fait le candide par rapport à nos partenaires et surtout on a choisi des partenaires qui sont accessibles. Ils sont accessibles dans le mode de relation et d’échange et ce n’est jamais de notre faute. Le grand mal de l’informatique c’est que c’est toujours de ta faute, c’est toujours toi qui ne sais pas faire. Ça a fait partie de nos critères de sélection d’avoir des gens qui parlaient un langage intelligible par tout le comité de sélection (le curé, le directrice du centre social, nous, etc.).

Frédéric Saint-Pol, directeur adjoint –

Enfin, des personnes volontaires dans l’équipe de l’Abbaye ont constitué la Green Team, chargée d’interroger régulièrement les pratiques et usages des salariés de l’Abbaye et qui sert de garde-fou, notamment sur la question de la collecte et le traitement de données personnelles.

Étape 3 : le projet Musicaventure

Suite au lancement du cahier des charges, le comité de pilotage a retenu la proposition d’un projet modulaire. D’un point de vue budgétaire, le projet modulaire est intéressant car il permet d’avancer d’étape en étape et ainsi infléchir l’étape suivante au regard des résultats des étapes précédentes.
En contrepartie, il faut sans cesse réinterroger les financeurs pour lancer ou non l’étape suivante. Pour l’instant, sur un programme de 2,3 millions d’euros, seul 1 million a été dépensé et l’Abbaye doit maintenant trouver les financements pour continuer.

La particularité d’un CCR c’est qu’il participe aussi à l’attractivité touristique du territoire et il y a des acteurs du tourisme dans le comité de pilotage. Ça ne nous positionne pas uniquement comme acteur culturel et ça n’est pas évident en matière de financements et cloisonnement, notamment chez certains partenaires publics où les services sont très en silos.

Frédéric Saint-Pol, directeur adjoint –
slide8-Abbaye aux dames
Slide extraite de la présentation de Frédéric Saint-Pol, directeur adjoint

Musicaventure traite cinq registres différents :

  • l’immersion avec les Voyages sonores depuis 2016 : visite narrative de l’Abbaye aux Dames avec deux scénarios possibles en son binaural 3D ;
  • la communion avec les Concerts spatialisés depuis 2016 : enregistrement de concerts en son 3D puis possibilité de les écouter toute l’année sous forme de sieste sonore (casque individuel et transat dans les jardins). Permet de sortir des murs et d’aller faire des moments décentralisés ;
  • l’amusement avec le Carrousel musical depuis 2018 : outil de sensibilisation très intéressant et booster de fréquentation incroyable. Porte d’entrée très large par rapport à la sensibilisation aux pratiques musicales et culturelles proposées par l’Abbaye ;
  • à venir, la détente, avec le Parcours d’aventure musicale qui va sortir des murs de l’Abbaye, et le savoir avec la Musicothèque.

Résultats et suites

 

Voyages sonores

  • fréquentation en augmentation constante : + 107% en 2018 ;
  • entrées payantes en augmentation: + 100% entre 2016 et 2018 ;
  • chiffre d’affaires en augmentation: + 174 %.

L’Abbaye aux Dames a été le premier site en France à faire appel à des visites sonores 3D. Elle a décidé, avec les partenaires qui étaient les prestataires au départ, de créer une société de projet pour exporter cette technologie de médiation sonore sur d’autres sites culturels et touristiques.

Concerts spatialisés

  • collection de 8 Concerts spatialisés disponibles sur les transats de l’abbaye ou dans les chambres d’hôtel pour une immersion totale ;
  • déploiement des Concerts spatialisés sur tout le territoire de la Saintonge en été 2018 grâce au développement d’une application mobile : c’est le projet Musicatransat.

Carrousel musical

  • 65 actions culturelles (ateliers, concerts adaptés, rencontres, stages, fêtes…) ont été menées sur l’année 2018 ;
  • au total 3805 personnes ont participé aux ateliers de sensibilisation (soit 800 de plus qu’en 2017).
Le Malandain Ballet Biarritz

Le Malandain Ballet Biarritz – Georges Tran du Phuoc, secrétaire général

Inauguré en septembre 1998, le Centre chorégraphique national Malandain Ballet Biarritz a vu le jour sous l’impulsion conjointe de la Ville de Biarritz et de l’État. Confié au chorégraphe Thierry Malandain, ses missions sont alors la création, la diffusion et la mise en œuvre d’actions de sensibilisation. En 1999, s’ajoute l’Accueil studio qui lui permet d’accompagner le travail artistique d’autres compagnies.

Le Malandain Ballet Biarritz est une des compagnies européennes de danse les plus en vue en France et à l’international avec 100 représentations par an pour 100 000 spectateurs et avec plus de 200 jours par an sur les routes.

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Slide extraite de la présentation de Georges Tran du Phuoc, secrétaire général

La transformation numérique du Malandain Ballet Biarritz

Quand on s’est posé la question du digital, on s’est dit que ça devait être des outils à notre service et que nous ne devions pas en être dépendants.

Georges Tran du Phuoc, secrétaire général –

Le Malandain Ballet Biarritz a alors travaillé deux volets numériques : un volet interne et un volet externe.

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Slide extraite de la présentation de Georges Tran du Phuoc, secrétaire général

Le volet externe c’est notamment tout ce qui concerne la communication […] comment on peut vendre de la danse, comment on peut aller toucher le public.

En interne on s’est posé la question des outils qui pourraient améliorer notre quotidien. L’idée était d’améliorer l’efficacité opérationnelle […]. Le digital on l’a vu comme un atout pour nous, étant donné qu’on est une équipe dispersée aux quatre coins du monde (220 jours de tournées par an). Il fallait trouver un moyen de travailler ensemble malgré la distance géographique.

Georges Tran du Phuoc, secrétaire général –

Le numérique comme un outil de communication

On essaye de rajeunir notre public. On s’est demandé comment être présent sur internet pour atteindre ce public-là. Investissement sur les réseaux sociaux, beaucoup de vidéos pour inciter à venir dans les théâtres.

Georges Tran du Phuoc, secrétaire général –

Le Malandain avait deux besoins en termes de communication :

  • fournir des outils de communication aux théâtres qui accueillent la compagnie lors des tournées ;
  • avoir une billetterie en ligne.

La solution trouvée pour répondre au premier besoin a été de créer des vidéos d’une minute.

C’est hyper contraignant. Ça a été une douleur pour Thierry Malandain quand on lui a dit qu’on allait résumer un de ses ballets en une minute. Une minute pourquoi ? c’est pour être efficace sur Instagram.

Georges Tran du Phuoc, secrétaire général –

Ces vidéos sont ensuite mises à disposition des théâtres qui ont la possibilité de rajouter des informations sur la vidéo comme les mentions légales, les dates et horaires des représentations, etc.

Résultats de la présence forte du Maladain Ballet Biarritz sur les réseaux sociaux :

Les réseaux sociaux nous permettent de mieux connaître les profils de nos publics et ce qui les intéresse, ce sur quoi ils cliquent. Ça nous a permis d’améliorer notre connaissance du public et le rajeunir.

Georges Tran du Phuoc, secrétaire général –

Retombées de la billetterie en ligne : en 2015, 15% des billets était vendu en ligne contre 75% aujourd’hui.

Ça nous a permis de faire des économies. Plutôt que d’investir massivement dans de la communication sur les journaux locaux ou radios, on a basculé une partie de cet investissement sur de la communication digitale moins chère, plus efficace et qui permet de mieux mesurer notre retour sur investissement.

Georges Tran du Phuoc, secrétaire général –

Le numérique comme outil de médiation

Le Malandain Ballet Biarritz a mis en place une e-mallette pédagogique qui consiste en une visite virtuelle de la Gare du Midi (siège social du théâtre) permettant d’avoir accès à des contenus pédagogiques sous différentes formes (fiches, vidéos…). Cette e-mallette est mise à disposition d’enseignants dans des écoles, collèges et conservatoires de façon à préparer l’intervention d’un médiateur du théâtre ou bien la venue des élèves au Malandain Ballet.

La création de cet outil pédagogique a nécessité plusieurs réunions en interne avec les douze intervenants qui font de la médiation. Les médiateurs du Malandain Ballet ont d’abord considéré cette mallette comme une charge de travail supplémentaire mais finalement elle offre un nouveau rapport avec l’enseignant qui a très bien accueilli l’outil. Pour cela, ça a demandé beaucoup de formation et une nouvelle façon de travailler.
Cet outil n’est pas statique mais en constante amélioration. La e-mallette est équipée d’un outil de tracking qui permet de connaître les rubriques et contenus les plus consultés de façon à améliorer l’outil au fur et à mesure.

Le numérique au service de la santé des danseurs

Le Malandain Ballet Biarritz a mis en place, il y a huit ans, un dispositif de suivi médical de prévention avec trois médecins qui suivent les danseurs au quotidien.
Le problème identifié à l’époque était la distance géographique entre les médecins et les danseurs, souvent en tournée. L’outil, développé et partagé avec d’autres ballets, permet d’agréger les données médicales des danseurs et donc d’avoir un suivi médical sur plusieurs années. Exemple : pour un danseur blessé, ça permet de voir sur deux ou trois ans si la blessure revient, si les protocoles mis en place sont efficaces…

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Slide extraite de la présentation de Georges Tran du Phuoc, secrétaire général

Les danseurs étaient assez étonnés par la démarche au départ. On a dû les informer du fait qu’on allait récolter des données personnelles, ce qui nous a posé plusieurs questions d’ordre juridique et déontologique.

On avait pas mal de résistances au début puisque les danseurs disaient « nous ne sommes pas des sportifs de haut niveau, nous sommes des artistes et nous n’avons pas besoin d’avoir ce suivi médical qui est un peu intrusif ». Surtout, dans la tête d’un danseur, un danseur qui est blessé ou qui ne va pas bien est un danseur qui ne va pas être distribué, qui ne va pas aller sur scène.

Georges Tran du Phuoc, secrétaire général –

Actuellement le Malandain Ballet explore la possibilité de partager ces données avec d’autres ballets afin d’améliorer la recherche médicale sur les blessures et les traitements des danseurs. Cependant, il subsiste des questionnements quant à la collecte de données personnelles et médicales et à la sécurisation des données, actuellement stockées sur des serveurs à l’étranger.

Le RIM

Le RIM – Éléonore Dubois, chargée de mission Musique enregistrée et Numérique

La naissance du RIM (Réseau des indépendants de la musique en Nouvelle-Aquitaine), le 19 janvier 2017, est le fruit de la fusion de trois anciens réseaux, et d’un réseau de fait d’acteurs musiques actuelles de l’ex-Limousin. Aujourd’hui, le RIM c’est dix-huit salariés, répartis sur trois sites, et cent trente adhérents de la filière musiques actuelles sur toute la Nouvelle-Aquitaine.

L’ambition partagée par ces acteurs, au sein d’un projet associatif commun, se déploie selon quatre axes stratégiques :

  • le développement artistique ;
  • le développement territorial ;
  • le développement professionnel ;
  • la co-construction des politiques publiques.

 

La philosophie du RIM sur le numérique :

Tout notre travail sur le numérique s’inscrit dans une logique durable. On veille à ce que nos pratiques soient responsables et on est dans une démarche d’amélioration continue. On a conscience de l’importance de la responsabilité sociétale des organisations et le numérique pose des questionnements éthiques.

Éléonore Dubois, chargée de mission Musique enregistrée et Numérique –

Le RIM a fait le choix du libre. Pour cela, il a choisi de travailler avec un prestataire informatique spécialisé dans le libre mais, au-delà de la technique, cela a demandé de l’accompagnement et de la formation pour l’ensemble des salariés.

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Slide extraite de la présentation d’Éléonore Dubois, chargée de mission Musique enregistrée et Numérique

Le passage au libre

Le passage au libre n’est pas évident pour tout le monde. Il est difficile de trouver les mêmes solutions ou logiciels en version identique et libre. La transition demande souvent du temps et des changements dans la façon de travailler. De plus, les acteurs des musiques actuelles ont des difficultés à trouver des professionnels du numériques avec qui dialoguer et travailler, notamment du fait des difficultés de compréhension entre le secteur culturel et le secteur numérique.

Pour répondre à cette problématique, le RIM compte une développeuse informatique dans son équipe de façon à développer des outils qui répondent aux besoins des adhérents et qui n’existent pas sur le marché.

Le RIM encourage également les acteurs à se regrouper autour de problématiques communes pour mutualiser le développement d’outils spécifiques, tels que SoTicket, un outil de billetterie en ligne proposé par des acteurs culturels réunis au sein de la Société coopérative d’intérêt collectif SoCoop.

Les craintes et l’incompréhension du numérique

Il y a un paradoxe entre les valeurs des acteurs et les freins qu’ils se mettent face au numérique qui font qu’ils ne creusent pas les conséquences de leurs choix numériques.

Éléonore Dubois, chargée de mission Musique enregistrée et Numérique –

Le RIM propose, dans le cadre de sa mission d’accompagnement collectif, une boite à outils pour un usage du numérique plus responsable, disponible sur son site.

La responsabilité sociétale dans le numérique c’est aussi d’avoir une communication responsable, des sites web plus légers et accessibles aux personnes empêchées, de faire le choix de développement ou non d’application mobiles.

Éléonore Dubois, chargée de mission Musique enregistrée et Numérique –
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Enjeux et opportunités du numérique : entre rêves et réalités

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Temps de lecture 15 minutes
Mis à jour le 25 février 2022

La culture, comme tout autre secteur professionnel, vit une transition numérique plus ou moins forcée selon ses composantes (spectacle vivant, musiques actuelles, livre, cinéma et audiovisuel, etc.). Cependant, le numérique est encore difficile à appréhender et chacun se forge sa propre vision de ses potentialités, qui s’accompagne souvent d’a priori, d’idées reçues, de suppositions.

Introduction

Pour répondre à ces enjeux, la Région a donc proposé un temps d’échanges et de débats pendant lequel quelques affirmations ou questions volontairement caricaturales ont été soumises aux membres du public ; parallèlement à leurs réponses – présentées sous forme graphique au fil de ce compte rendu –, les universitaires présent·e·s ont partagé leurs analyses, expériences, travaux de recherche…

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Intervenants de la table ronde Enjeux et opportunités du numérique

Sur l’image ci-dessus, de gauche à droite : le modérateur, Sélim Ennjimi, co-fondateur et dirigeant de l’agence Tata Germaine, et les intervenant·e·s :

  • Charles-Alexandre Delestage, docteur en sciences de l’information et de la communication, responsable du Lab FAB®ICC, Université de Poitiers ;
  • Hélène Marie-Montagnac, maîtresse de conférences en sciences de l’information et de la communication, Université Bordeaux-Montaigne ;
  • Monica Paredes, doctorante à l’Université Rennes 2.
Le numérique c’est avant tout…

Le numérique c’est avant tout…

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Réponses du public présent dans la salle

Monica Paredes

Quand on parle de numérique, le premier réflexe est de penser « informatique », mais son périmètre est bien plus large ; on est effectivement à la fois à la croisée des infrastructures, des outils et des usages. Quand on parle de numérique, on ne se réfère pas en effet seulement à l’aspect technique mais aussi aux usages qui impactent notre environnement et notre rapport à l’espace et au temps. Plus globalement, l’utilisation du numérique change nos rapports et nos manières de penser et de comprendre le monde, et d’y être présent ici et maintenant.

Le numérique est beaucoup assimilé à la dématérialisation d’œuvres, de contenus mais également de pratiques. Une multitude de sites, de réseaux sociaux ou de plateformes invitent les usagers à être plus participatifs, à être dans un rapport où on va être contributeurs et actifs de la société et à créer de nouveaux liens. Cela dépasse de fait le côté virtuel et passif de l’usage du numérique.

Petite parenthèse : d’un point de vue étymologique, il y a une vraie particularité française quand on parle de numérique ; on se réfère au nombre (le numérique 0 – 1) alors que, dans les autres langues européennes, on parle plutôt du mot digital, qui privilégie le sens du toucher, donc de la dextérité digitale.

Le numérique est-il forcément innovant ?

Le numérique est-il forcément innovant ?

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Réponses du public présent dans la salle

Hélène Marie-Montagnac

L’innovation n’est pas l’invention. On retrouve effectivement dans l’étymologie le terme de nouveau mais toutes les inventions ne deviennent pas nécessairement des innovations. Ce ne sont que les inventions qui vont trouver leur public qui vont pouvoir devenir innovations.

Certaines inventions tombent parfois dans les oubliettes, par exemple l’imprimerie qui, contrairement à ce que l’on pense, n’est pas une invention mais une innovation datant de la fin du XVe siècle. C’est en effet « seulement » une invention des Chinois mais qui n’avait pas alors trouvé son public. Cette invention ne s’était pas intégrée dans les pratiques sociales de cette époque-là et de ce fait, n’avait pas été intégrée en tant qu’innovation.

Pour aller plus loin, une innovation, si l’on reprend la définition qu’en propose Norbert Alter dans L’Innovation ordinaire, diffère de l’invention dans le sens où elle représente la mise en œuvre de cette invention et de son intégration dans un milieu social. C’est ici le processus selon lequel un corps social confronte les qualités théoriques de l’invention qui lui est proposé à la réalité et aux contingences du milieu d’où il agit. S’il se l’approprie, alors l’invention devient une innovation.

Le numérique peut permettre une innovation car il peut permettre de nouveaux processus au sein du corps social, mais pas nécessairement automatiquement.

Charles-Alexandre Delestage

Très souvent, les outils numériques peuvent transposer des outils existants dans le mode physique (par exemple, des jeux de plateau en version virtuelle) mais n’auront rien d’innovants. Des applications vendues comme innovantes sont en fait des procédés déjà utilisés en crayon papier depuis très longtemps. Il peut y avoir d’autres avancées, notamment pour le cas de la musique. Le cas du synthétiseur est assez particulier car il va changer énormément les usages. Quand on utilise un piano, on va avoir toute une architecture basée sur une table qui va faire vibrer des cordes et qui va créer un son, tandis qu’un synthétiseur va créer une fréquence ou un signal numérique qui va décrire un son qu’on va devoir traiter. Au lieu de travailler en musique acoustique sur le positionnement d’instruments ou insister sur son attaque pour avoir une plus forte vibration, on va être sur d’autres usages, d’autres modalités, d’autres possibilités.

Le numérique n’est pas de fait une innovation, mais est-il une extension d’un concept déjà utilisé par le passé ?

Hélène Marie-Montagnac

Bien souvent, ce qui est innovant ce sont le processus, les usages que l’on va développer, et non pas l’outil. Le numérique n’est pas une fin en soi, le numérique est là pour servir un projet, pour poursuivre un objectif mais ne constitue pas cet objectif lui-même. On va retrouver l’innovation dans tous les domaines notamment celui de la pédagogie ; le numérique ne sera alors qu’au service d’une pédagogie et ne peut remplacer la pédagogie elle-même.

Charles-Alexandre Delestage

Pour tout projet et de manière générale et systématique, vouloir imposer un choix technologique, avant même de penser à la finalité d’un projet, c’est un peu se tirer une balle dans le pied. L’outil ne fait pas tout : ce n’est pas parce qu’on veut utiliser du numérique pour une exposition de musée, pour un spectacle, pour de la création, que ce sera forcément mieux. Peu importe le projet, il faut vraiment se poser la question de sa finalité, du public, mais ça, quand on fait de la gestion de projet en général, on le sait. Il ne faut surtout pas chercher à imposer spécifiquement un outil ou une technologie : ce n’est pas ce qui va garantir un succès quelconque.

Le numérique dans la création

Le numérique dans la création renouvelle les esthétiques artistiques

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Réponses du public présent dans la salle

L’apport du numérique dans la création, l’exemple de l’intelligence artificielle

Charles-Alexandre Delestage

On peut parler, pour cette question, de l’intelligence artificielle (IA) car il y a aujourd’hui énormément de fantasmes sur cette question. Il faut d’abord démystifier ce concept : une intelligence artificielle n’a rien d’intelligent, c’est extrêmement stupide.

Pour expliquer très simplement comment ça marche : une IA se base sur des perceptrons ; un perceptron c’est une petite boîte (un algorithme) dans lequel on met de la donnée. Cette petite boîte calcule une fonction très simple qui génère, à partir de que l’on y a mis, autre chose selon la façon dont la boîte travaille.

Toutes ces petites boîtes sont mises dans un grand réseau, et la fonction qui va organiser entre elles les boîtes va produire une structure particulière. C’est globalement le processus de deep learning. Pour que les petites boîtes fassent bien ce qu’on leur demande, on va mettre une quantité de données massive, mais des données qui sont connues. Par exemple, on va donner à notre IA des photos en lui disant que telle ou telle photo représente soit un chien soit un chat. On va mettre ces données dans une petite boîte ; le réseau va se reconfigurer de façon à pouvoir prédire que c’est bien un chien ou un chat.

Si on veut faire un parallèle avec l’être humain, il y a tout un pan de la recherche sur la construction de sens, notamment Francisco Varella avec l’énaction. Toute cette construction de sens va faire intervenir l’ensemble de nos sens et l’environnement dans lequel on vit. C’est-à-dire qu’en fonction de cet environnement, on va avoir des points de repère, des façons de qualifier l’environnement qui vont être différentes d’un environnement à l’autre. Cette construction de sens est pleinement subjective. Même si le langage nous sert de convention, quand je vous dis un chat, vous voyez ce que c’est. Pour autant quand je dis le mot chat, vous n’avez pas forcément la même représentation du chat d’un point subjectif que la mienne, mais pour autant on arrive à se comprendre. C’est une subtilité que la machine, en tout cas pour le moment avec les niveaux d’IA qu’on est capable de produire, n’est pas spécialement capable de distinguer. Même si une IA très entraînée arrive à faire la distinction entre un chat et un chien, elle ne vous expliquera jamais ce qui distingue l’un ou l’autre, parce que ce ne sont que des poids statistiques.

L’IA ne fonctionne pas autrement, c’est juste de la force brute, cela n’a rien d’intelligent. Cela dit, ce n’est pas parce que ce n’est pas intelligent qu’on ne peut pas faire des choses intéressantes avec. L’IA est un outil, la question c’est qui tient l’outil, ce que l’homme va faire avec.

Et c’est là que, dans la culture, on pourrait se saisir de l’IA.
On peut ainsi voir les applications de l’IA dans la conception de décors numériques par la société Nvidia par exemple.

Le numérique va-t-il remplacer la médiation humaine ?

Le numérique va-t-il remplacer la médiation humaine ?

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Réponses du public présent dans la salle

Monica Paredes

Le numérique est aujourd’hui un outil qui vient en complément de la médiation traditionnelle. Il faut se poser la question du pourquoi on va utiliser cet outil. On pense parfois que les digital natives sont les personnes qui s’approprient le plus facilement les outils numériques et donc qu’on remplacera naturellement la médiation humaine. Mais c’est une contre-vérité, un mythe urbain. Cela dépend surtout de comment l’outil est fait : quelle est sa valeur ajoutée ? qu’est-ce qu’il va apporter au niveau du rapport à l’œuvre et à son appropriation ?

Je me rends compte, avec les projets que j’ai suivis et les observations que j’ai faites, qu’un médiateur doit nécessairement être présent pour faire la relation avec l’outil numérique. Le médiateur aura d’autres compétences mais je ne vois pas de réels changements dans ses principales missions. Il y a par contre aujourd’hui le souci de s’interroger sur comment le médiateur s’approprie les outils. Par exemple, il y a une formation Médiation et numérique au sein de l’Université de Rennes qui s’emploie à transmettre de quelle manière on peut se saisir des usages de ces nouveaux outils mais surtout de quelle manière on peut créer un autre lien.

Le numérique permet-il d’élargir les publics ?

Le numérique permet-il d’élargir les publics ?

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Réponses du public présent dans la salle

Hélène Marie-Montagnac

La question des publics dépasse largement la question du numérique : là encore le numérique ne reste qu’un outil. S’il n’est pas au service d’un vrai projet, en tant que tel, il ne peut rien élargir du tout. Ce n’est pas parce qu’on va poser des tablettes ou mettre à disposition des outils numériques qu’un nouveau public va se ruer dans les musées ou autres structures culturelles. En revanche, il est vrai que le numérique peut être un support pertinent de médiation pour peu qu’il soit pensé pour avoir une certaine forme d’attractivité à destination de certains publics et permettre effectivement de proposer d’autres offres de médiation, d’accès aux œuvres, notamment à destination d’un public plus jeune.

Rapport à l’œuvre plus individuel ou plus partagé ?

Le numérique permet-il un rapport à l’œuvre plus individuel ou plus partagé ?

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Réponses du public présent dans la salle

Monica Paredes

Tout dépend du projet : si c’est un projet pensé autour de la participation du public, forcément il permettra un rapport plus partagé.

Charles-Alexandre Delestage

C’est en fait une question de design d’expériences. Le numérique peut entraîner une expérience à distance avec une corporalité virtuelle et avec une possibilité de partage, ou, à l’opposé, une expérience personnalisée et individualisée, mais là, on va tomber sur la question des droits d’utilisation des données personnelles.

Hélène Marie-Montagnac

Le rapport à l’œuvre est déjà différent selon la personne. Certains d’entre nous préféreront la contemplation individuelle de l’œuvre, d’autres auront besoin d’être accompagnés par une personne avec qui discuter, exposer, commenter, etc. Donc le numérique ne change rien à cela. En réalité, le numérique peut être un outil qui effectivement permet de s’isoler et de se maintenir à distance, ou, au contraire, va permettre d’avoir un rapport pléthorique avec tout un tas de gens.

Sur le plan de la recherche, on a différents chercheurs dans les sciences de l’information et de la communication qui se sont penchés sur le sujet, et c’est vrai que les points de vue, là aussi, peuvent diverger. On va avoir un Dominique Wolton qui va parler de solitude interactive – on voit déjà l’oxymoron dans cette énonciation. On va retrouver ce postulat avec l’américaine Sherry Turkle dans son ouvrage Seuls, ensemble, qui dénonce aussi ce paradoxe mais qui n’est pas inhérent au numérique mais plutôt aux individus qui ont, à la fois besoin de rester tranquilles dans leur quant-à-soi, et besoin de communication. Donc, somme toute, le numérique ne change strictement rien à ça. Et puis, on va avoir un Antonio Casilli qui, avec Les Liaisons numériques : vers une nouvelle sociabilité ?, va mettre en avant que le numérique n’est là que pour prolonger les relations existantes, les renforcer ou au contraire les affaiblir. Finalement, une fois de plus, le numérique n’est qu’un outil et ne peut être pointé comme responsable de telle situation ou telle autre. Il ne fait qu’offrir de nouvelles possibilités ; on peut le considérer comme un amplificateur mais pas comme une révolution.

Le numérique dans ma structure c’est…

Le numérique dans ma structure c’est…

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Réponses du public présent dans la salle

Quelques exemples d’appropriation du numérique au sein de projets culturels

MUSÉE DU PAPIER D’ANGOULÊME

Charles-Alexandre Delestage

J’ai travaillé sur un projet de recherche avec le Musée du Papier d’Angoulême, musée assez particulier qui se trouve dans une ancienne usine de fabrication de papier datant du XIXe siècle et qui a fermé dans les années 70. Elle est située sur le fleuve Charente, avec le parcours d’exposition principal à l’emplacement des roues à aube. Donc je vous laisse imaginer, en hiver, les conditions de visite, pas très semblables à celles d’un musée classique, mais plutôt compliquées : le bruit de l’eau, une certaine humidité, etc.

Plus d’infos sur le site du Musée du Papier d’Angoulême : https://maam.angouleme.fr.

Le public familial est un public qui intéresse énormément les musées, et notamment le Musée du Papier. Le laboratoire de recherche FAB®ICC a donc monté un partenariat et travaillé sur un cadre conceptuel sur le suivi des visites familiales interactives.

Dans l’idée, il y a deux tablettes, une pour le parent, une pour l’enfant, et chacun a son rôle. Le parent « prend la place » du médiateur culturel, il va avoir accès à toute une série d’informations – notamment des images d’archives –, et l’enfant va avoir des contenus beaucoup plus ludiques – des petits jeux, des scènes animées avec des marionnettes de papier pour avoir un effet visuel très attractif. Sur certaines parties du musée, on a apporté de la vie à des éléments d’exposition, par exemple une maquette d’un moulin à papier du XVIIe siècle. On a fait réaliser des animations en stop motion qui décrivent les différentes étapes de fabrication du papier de l’époque et qui sont intégrées dans l’application de façon très didactique pour faire comprendre, à l’enfant et aux parents qui disposent des mêmes animations, comment fonctionnait le principe du papier à l’époque. Et vu qu’ils ont à la fois la maquette devant eux, les animations et qu’ils sont amenés à partager, à échanger, à interagir ensemble autour de ce dispositif – par nature transmédia –, on a eu d’excellents retours lors de la période d’évaluation avec une quarantaine de familles vis-à-vis de ce type de médiation. Parce que le numérique n’était pas juste une extension de cartels juxtaposés l’un à côté de l’autre avec 2-3 images d’archives en plus.

Quand je vous disais que le numérique n’était pas par nature innovant : simplement, faire une application pour mettre une juxtaposition de cartels pour une visite de musée, ça n’a rien d’innovant ; tandis que proposer des contenus qui sont adaptés sur-mesure au parcours du musée, là il y a nécessairement une valeur ajoutée. D’autant plus si ces contenus sont interactifs d’un point de vue individuel mais aussi du point de vue de la famille et qu’ils permettent le « faire-famille » : en cela, le numérique, vu qu’il coordonne tous ces espaces-là, donne une réelle plus-value.

QUEL EST L’IMPACT GENERE PAR CET OUTIL DANS LE RAPPORT A L’OBJET OBSERVE ?

Charles-Alexandre Delestage

Par rapport au Musée du Papier d’Angoulême, dans le cadre de l’étude, on suivait les personnes qui visitaient le musée avec la tablette. Il y a une grille d’évaluation pour voir s’il y a de la communication verbale / non-verbale, regarder les comportements pour savoir si l’enfant n’avait pas les yeux rivés sur la tablette sans regarder autour de lui – ça n’a globalement pas été le cas. Après, cette étude ne reste qu’un exemple. Les exemples ne sont jamais bons à généraliser.

Donc, je ne vais pas garantir que le numérique permet de mieux regarder le musée. Il y a toujours le risque de voir l’attention complète d’un spectateur portée plus sur l’objet numérique que sur l’objet à observer. Tout dépend de la façon dont le dispositif numérique s’intègre dans la visite du musée. Cet exemple de type de médiation a été transposé en cadre conceptuel mais ça ne garantit évidemment pas les mêmes résultats, tout dépend de la mise en projet.

Hélène Marie-Montagnac

Pour répondre à la question de l’attention, il semble qu’en réalité cela ait peu à voir avec les musées ou autres structures culturelles, mais que nous sommes tous dotés de smartphones : ce que nous constatons, par exemple dans des concerts, c’est que certains publics peuvent d’abord se préoccuper de filmer ou de photographier, et d’être du coup bien davantage en interaction au travers de cet outil – un outil qui constitue sans doute un obstacle à une relation émotionnelle directe à l’objet pour lequel ils sont venus, que ce soit dans un musée, dans un concert ou autre.
Cette question de la médiation se pose pour les outils qui sont mis à disposition, mais en dehors même de ces outils, nous avons tout un chacun instauré notre propre écran et là, le terme prend tout son sens par rapport à ce que nous vivons autour de nous.

Charles-Alexandre Delestage

C’est vraiment une question d’usages, et il y a tout un pan de la recherche qui se développe en ce moment autour du design d’expérience. Même si on prévoit que la personne passe à tel endroit du musée avec telle interaction avec un outil numérique, une installation lumineuse… la personne fera de toute façon ce qu’elle veut.
On ne peut pas la diriger et c’est peut-être pas plus mal non plus. Si cette personne considère que passer un moment dans le musée rivée sur une tablette lui donne plus de plaisir que de prendre du temps à regarder les œuvres, c’est son choix. Et ça ne présuppose pas forcément que passer trop de temps sur son téléphone implique une mauvaise expérience.

Monica Paredes

Le rapport est différent quand on utilise un outil numérique car on crée un autre lien que celui que le médiateur a l’habitude de créer, parce qu’il y a une appropriation de l’œuvre différente de celle qu’on a l’habitude de voir. Il faut changer la manière de penser la création de la relation pour apprécier différemment l’œuvre.

L’ODYSSEE DE PENELOPE

Monica Paredes

J’ai pu travailler sur l’étude du dispositif transmédia sur l’Odyssée de Pénélope, un dispositif inventif et précurseur qui accompagne Le Retour d’Ulysse dans sa patrie de Monteverdi. Ce projet a utilisé une nouvelle forme de narration qui a utilisé différents médias pour développer un univers ou raconter une histoire. De par leur spécificité d’usage et leur technologie, chaque support employé (site web, mobile, tablette, jeu vidéo, etc.) a développé un contenu narratif différent, offrant au public un regard nouveau et complémentaire sur l’histoire.

Plus d’infos ici :

Ce projet a été perçu comme très intéressant par les étudiants qui ont porté le dispositif, parce qu’ils se sont approprié l’œuvre avec une interprétation très différente du champ classique. Ils se sont rendus compte que cet opéra, qui est une pièce contemporaine, n’avait pas le côté suranné de l’opéra. Ils ont eu ensuite la sensation de ne pas avoir eu assez d’interactions avec les publics et se sentaient assez isolés dans le portage de la médiation, leur travail étant plus lié pour eux à de la communication qu’à de la médiation. Par ailleurs, il n’y a pas eu de différenciation entre ces deux axes sur ce projet parce qu’ils souhaitaient une interaction au-delà des groupes qui y participaient – 120 étudiants –, mais cette interaction n’a pas émergé avec d’autres groupes de publics.

Un problème a été également soulevé sur le manque d’interaction sur ce projet entre les équipes de la structure culturelle, sur l’absence de partage de compétences entre médiateurs et chargés de communication autour de l’aspect novateur de ce projet. Il est important de se fixer des objectifs et de prévoir quel type de relation vous voulez créer en interne et avec les publics.

Charles-Alexandre Delestage

Ce qu’il y a de compliqué dans un projet numérique culturel, c’est de faire se parler des domaines qui, par nature, ne se parlent pas beaucoup, par exemple des musées spécialisés en médiation et des studios de création de contenus créatifs et de communication graphique. Tout l’enjeu est de partir de sémantiques différentes pour faire un langage commun.

Autre élément, avec le numérique, il ne faut pas se poser de barrières ni se poser la question si ça existe ou pas. Quand on passe à la conception du projet, on voit s’il y a des verrous technologiques ou pas, et s’il y en a, on attend deux ans et il n’y en a plus.

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Forum Entreprendre dans la Culture en Nouvelle-Aquitaine

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Mis à jour le 16 décembre 2022

Depuis 2019, la Région propose des temps sur des sujets numériques culturels au sein de la programmation du Forum Entreprendre dans la Culture en Nouvelle-Aquitaine porté par l’A. Agence culturelle Nouvelle-Aquitaine.

Cette page vous propose de découvrir les restitutions de ces temps d’échanges et de débats ainsi que des ressources en lien.

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