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Pourquoi et comment réduire l’impact de nos activités numériques culturelles ?

AdobeStock par Mimi Potter

Retour sur la table-ronde qui a eu lieu dans le cadre du Forum Entreprendre dans la Culture en Nouvelle-Aquitaine, le 7 novembre 2022.

Contexte

Au sein du Forum Entreprendre dans la Culture en Nouvelle-Aquitaine qui a eu lieu les 7, 8 et 9 novembre 2022 à Bègles et Bordeaux, la Région Nouvelle-Aquitaine et l’A. Agence culturelle Nouvelle-Aquitaine, ont souhaité proposer un temps autour de l’impact environnemental du numérique culturel.

La restitution de ce temps se focalise sur l’intervention de David Irle, éco-conseiller au sein d’Aladir Conseil, qui vient aider les professionnels du secteur culturel à mieux comprendre l’impact environnemental de leurs activités et à les aider à décarboner leurs activités. David Irle a pu présenter l’incidence de nos activités numériques et apporter son point de vue problématisé sur cet impact.

Cette réflexion sur l’impact environnemental de nos activités numériques a déjà été abordée en 2021 lors du précédent Forum Entreprendre dans la Culture en Nouvelle-Aquitaine. Vous retrouverez en ligne la restitution de cette précédente table-ronde, avec l’évocation de plusieurs constats et également plusieurs pistes de solutions.

Ce nouveau temps a été l’occasion de présenter de nouvelles données relatives à cet impact, tout en posant la sobriété numérique à la fois comme une nécessité environnementale et un défi culturel. L’objectif a été ici d’essayer de donner des clés de lecture simples d’un sujet complexe, ceci dans un temps court, l’intervention de David Irle ayant été contrainte à moins de 30 minutes.

Comment le numérique impacte notre environnement culturel ?

Comment le numérique impacte notre environnement culturel ?

Avant de commencer, il faut rappeler le contexte pour le secteur culturel avec ce graphique qui raconte une réelle inflexion des pratiques culturelles des Français et Françaises.

En 2018, les individus qui avaient moins de 40 ans ne fréquentaient déjà plus trop le spectacle vivant, avec une appropriation de plus en plus forte de pratiques culturelles numériques. Nous pouvons nous douter, qu’après la crise sanitaire, cet élément à peut-être expliquer les baisses de fréquentation de nos équipements et de nos salles. Ce processus de numérisation ne s’est pas ralenti et s’est même sans doute accéléré. Nous n’en avons pas encore confirmation mais c’est une hypothèse probable. Donc la question qui se pose est de savoir comment nous pouvons nous adapter et comment nous allons naviguer dans ce contexte de numérisation des pratiques culturelles.

Avant toute chose, je voulais démonter ce mythe de la dématérialisation et de la révolution du numérique, car derrière ce processus se cache une délocalisation et un déplacement des impacts environnementaux. Pour ce faire, on va s’appuyer sur trois études assez récentes à savoir celles du Shift Project, de GreenIT et de l’ADEME et l’ARCEP.
Il est extrêmement complexe d’analyser les impacts environnementaux du numérique. Il ne faut pas toujours s’arrêter sur les chiffres bruts, mais plutôt sur les ordres de grandeur qui sont globalement toujours les mêmes, même en mettant en compétition différentes études.

Pour le numérique, quelques éléments de constat pour la France selon l’étude ADEME/ARCEP de janvier 2022 :

  • 2,5% de l’empreinte carbone nationale (7% à l’horizon 2040 selon le Sénat)
  • 17 millions de tonnes de Co2 (soit 250 kg par français) = à peine moins d’1 centrale à charbon
  • 10% de la consommation électrique annuelle
  • une forte consommation de métaux critiques (fragilité géopolitique)
  • une forte consommation d’eau douce (fragilité géophysique)

Ce qu’il faut déconstruire, c’est l’idée que le problème viendrait des Datacenters. Quand on analyse l’impact carbone du système numérique, on constate que l’essentiel de l’impact est lié aux terminaux d’usage. La part que constituent les infrastructures, c’est-à-dire les centres de données ou les réseaux, est finalement plutôt minime. L’essentiel de l’impact est lié à la fabrication et beaucoup moins à la distribution, essentiellement les réseaux et leur utilisation (ex : ordinateurs connectés).
Il y a une distribution des impacts qui est différente selon si nous parlons de la fabrication, de la distribution ou de l’utilisation. L’essentiel est lié à la fabrication et beaucoup moins à la distribution (ex : réseaux) et à l’utilisation.

Donc cela vient construire un imaginaire autour de l’impact environnemental du numérique où on a deux problèmes : un qui est lié aux terminaux d’usage, et l’autre qui est lié à la fabrication des terminaux d’usage.

Impact des équipements utilisateurs

Les écogestes seront donc bien plus intéressants s’ils sont mis en place au niveau des équipements des utilisateurs, là où l’impact environnemental est le plus important.

Impacts par types de récepteurs

Cette étude est très intéressante pour déconstruire les imaginaires autour de l’impact environnemental du numérique. Le principal terminal d’usage qui pose un problème environnemental c’est le téléviseur. Nous avons l’idée que ce sont les smartphones et les ordinateurs, mais nous avons aujourd’hui énormément de téléviseurs, notamment avec les nouvelles offres liées à la Télévision Numérique Terrestre. C’est à ce niveau qu’on analyse les plus gros impacts

Et ça c’est sur tous les types d’impacts, puisque, aussi bien sur les ressources abiotiques (ex. : métaux, minéraux, etc.), les énergies fossiles, l’empreinte carbone, les radiations ionisantes, etc., les autres terminaux, en l’occurrence les smartphones et les ordinateurs (qui sont comptabilisés, dans ce graphique, dans les « autres écrans »), tournent finalement autour de 10/15 %.
Cela vient déconstruire une partie de notre imaginaire.

Ça nous donne une hiérarchie des sources d’impacts environnementaux du numérique qui est intéressante à avoir en tête.

Hiérarchie des sources d’impacts

Le problème environnemental n’est pas forcément l’infrastructure numérique elle-même, mais plutôt le fait que l’on soit très nombreux à l’utiliser. Il y a un enjeu qui est celui de la massification et une bête question de volume. Les datacenters se comptent en une dizaine de milliers alors qu’on compte aujourd’hui plus de 34 milliards d’objets connectés dans le monde. Il y a vraiment des effets de volume très puissants qui expliquent cette hiérarchie de source d’impact.

Une fois que nous avons défini les sources d’impact au niveau de l’écosystème numérique, c’est-à-dire les infrastructures puis le matériel, si nous regardons ce qui se passe à l’échelle des usages uniquement, nous constatons que la problématique principale qui est posée, c’est celle de l’utilisation de la vidéo.

Le poids des usages vidéos

Le streaming vidéo représente 60 % du trafic Internet. Le vieil Internet, c’est-à-dire celui qu’on utilisait avant les réseaux sociaux, ne pèse que 13% du trafic Internet. Nous pouvons également supposer que le streaming vidéo ne s’est pas réduit avec la crise sanitaire. A noter que nous pouvons constater une grosse différence d’impact entre le streaming vidéo (60,6% du trafic) et le streaming audio (0,4%). Les quantités de données qui circulent entre un texte, un son et une vidéo, sont très différentes. Cela pose la question de ce qui est essentiel dans nos usages.

Ici, on avance sur l’idée que plus la définition d’un film augmente, plus l’impact en quantité de données circulantes grandit. A terme, nous pourrons peut-être mieux optimiser ce point, mais pour l’instant, dès que nous nous trouvons sur des supports de définition en haute définition, c’est une explosion exponentielle de la quantité de données circulantes.

Rappelons que ce qui nous pose un problème environnemental au point de vue des usages ce sont les quantités de données qui doivent être stockées, puis diffusées dans les tuyaux, et enfin être reçues sur des terminaux d’usage idéalement adaptés à cette quantité de données.

Tels que c’est présenté ici, ce sont les formats en basse définition qui doivent être privilégiés car ils posent moins de problèmes. Pour rappel, ces données sont pour un même film de 2H.

Le poids environnemental des usages mobiles

Ce qui est aussi intéressant dans l’étude Ademe-Arcep, c’est que nous constatons un énorme écart environnemental entre les usages mobiles et les usages fixes. Les usages fixes (ADSL, fibre et Wifi) ont un poids environnemental moins prégnant sur toutes les typologies, comparativement aux usages mobiles, c’est à dire la 3G, la 4G et la 5G.

Ce sont réellement les usages mobiles qui nous posent un problème (barres en orange, alors que les barres bleues sont pour un usage fixe).

C’est assez impressionnant car nous pouvons supposer que si nous arrêtions d’utiliser Internet en mobile pour privilégier l’usage fixe, nous serions sur une réduction quasiment de 60% voire 70% des impacts environnementaux. C’est une expérience de pensée que je trouve très intéressante au moment où nous déployons la 5G et où nous nous demandons actuellement si nous ne déploierons pas la 6G.

Sans forcément tenir compte des chiffres bruts de ce graphique, on peut tout de même constater une tendance assez forte : la croissance importante des gaz à effet de serre (GES) et de l’impact carbone liés aux usages numériques.

Il faut cependant noter que ce graphique ne concerne pas exclusivement la culture mais prend en compte l’ensemble des dispositifs qui font le numérique mondial d’aujourd’hui (ex. : l’essor des cryptomonnaies).

On peut estimer à environ 4 milliards les internautes aujourd’hui, c’est cet effet de massification des usages qui pose problème du point de vue environnemental.
L’ensemble des zones géographiques sont en croissance en termes d’évolution du nombre d’équipements connectés par personne. Il n’y a pas une seule zone de la planète qui n’est pas en forte croissance.

Quelques chiffres

Quelques chiffres

Un ordinateur portable neuf, c’est 514kg (soit 171 000 vidéos de chat mignon).

Un mail avec une pièce-jointe de 1Mo, c’est 0,03g de Co2e émis.

Une vidéo de chat mignon de 10 minutes (100 Mo), c’est environ 3g émis.

La fabrication d’un smartphone, c’est 61kg émis (soit 2 millions de mails).

1 steak, c’est environ 5kg de CO2e émis (soit 1600 vidéos de chat ou quasiment un dixième de smartphone), et ça correspond environ à 40 km en voiture thermique (soit 165 000 mails).

Comment réduire notre impact environnemental ?

Comment réduire notre impact environnemental ?

Une fois que nous avons structuré l’idée que le numérique nous posait des problèmes au point de vue environnemental et que le zéro impact n’est pas possible, il se pose alors la question de la maitrise de ces impacts. Et se poser la question : à quel point le numérique peut nous aider dans la transition écologique (ou pas) ?

Nous allons commencer à comparer le numérique et les mobilités, notamment les mobilités carbonées.

C’est un exercice qu’une collègue, en l’occurrence Julia Orgelet (Dès demain), a réalisé un chantier pour l’ADEME. Il s’agit d’un comparatif de l’impact environnemental des Assises de l’Économie Circulaire entre 2017 et 2020, avec d’un côté des Assises organisées en présentiel et de l’autre, une organisation en distanciel, COVID oblige.

Les assises de l’économie circulaire 2017 et 2020

Force est de constater que sur l’ensemble des indicateurs environnementaux, l’organisation des Assises de l’économie circulaire en distanciel a eu un impact environnemental moindre que l’organisation des Assises de l’économie circulaire en présentiel, en mode carboné (déplacements en voiture, restauration, hébergement, etc.).

Sur tous les impacts, les Assises en distanciel sont notamment meilleures en termes d’émissions en particules fines, de radiations ionisantes, d’émissions de CO2, etc.

Cela veut dire que le numérique reste un bon outil mais cela ne veut pas dire qu’il va falloir ne faire plus que des rencontres en distantiel.

La théorie que l’on propose, c’est que si nous sommes capables d’organiser des rencontres en présentiel soutenables, alors le présentiel redevient compétitif par rapport au numérique. Le présentiel soutenable veut dire d’organiser des rencontres en proximité avec des trajets en train, des rencontres où nous oublions les déplacements en voiture ou en avion.

Si nous restons sur des modèles de rencontres ou de rendez-vous professionnels où l’usage de la voiture ou de l’avion est privilégié, alors le numérique est un très bon outil de décarbonation de nos activités. Il vient réduire les impacts environnementaux de façon drastique.

On peut le résumer avec un comparatif d’ordre de grandeur proposé par Greenspector : une visioconférence consomme à peu près 1 gramme de CO2 par minute par personne en activant le flux vidéo. En éteignant le flux vidéo, l’impact est divisé par trois.

Quand vous commencez à comparer avec des déplacements, un déplacement en voiture consomme en moyenne 150g de Co2 par km parcouru. En revanche, un déplacement TGV reste compétitif puisqu’il correspond à 2g le km parcouru.

Si vous faites une visioconférence d’1 heure à 2 personnes, vous allez émettre 120g de Co2, cela vous donne le budget pour faire 1km en voiture. C’est l’occasion de rappeler que la voiture est un jet privé qui s’ignore.

Les dispositifs en ligne sont hyper compétitifs pour faire des réunions ou des rendez-vous de travail. Par cette étude des Assises de l’économie circulaire 2017-2020, on constate cependant dans ce comparatif que le seul impact où l’édition en distanciel est négative c’est sur l’utilisation des métaux.
À partir du moment où nous sommes sur un dispositif numérique, celui-ci va demander une ressource abiotique supérieure, un élément qui est bien identifié dans les études. Ce qui est intéressant, c’est que cette étude a aussi posé la question du « Et si on avait éco-conçu du point de vue numérique les Assises ? ». Si des gains d’efficience avaient été trouvés en éco-conception numérique, vous avez comme référence en bleu les éditions distancielles telles qu’elles ont eu lieu, et en rouge l’édition éco-conçue.

Assises digitales « éco-conçues »

Cette optimisation aurait pu correspondre à quelque chose de simple, en l’occurrence utiliser le distanciel et la visio dans la phase en amont de l’organisation pour éviter le déplacement mais aussi avoir recours à des formats audios plutôt que vidéos.
Vous voyez que l’édition éco-conçue numériquement permet de baisser encore une fois, tous les impacts environnementaux.

Donc, non seulement le numérique peut être un bon outil (insistons sur le « peut ») mais en plus quand on l’optimise c’est encore un meilleur outil. Là, en l’occurrence, l’optimisation était simple : on utilisait le distanciel et la visio dans la phase en amont de l’organisation pour éviter les déplacements en ayant recours à des formats audios plutôt que vidéos.

Un certain nombre de personnes tirent la conclusion que le numérique est la solution, avec une approche du « numérisons absolument tout ».

Le numérique comme vecteur de diffusion artistique et culturel
Hachure parme sans transparence
Le numérique comme vecteur de diffusion artistique et culturel

Dans un premier temps, nous avons évoqué le numérique comme outil de travail. Nous allons voir maintenant le numérique comme vecteur de diffusion, c’est-à-dire le numérique comme promotion des œuvres ou des spectacles, quelles que soient les modalités. La problématique dans laquelle vous allez tomber, dès lors que vous voulez travailler la diffusion de spectacles et de concerts, porte sur le fait que vous ne pouvez pas aller dans la diffusion de spectacles avec des vidéos de mauvaise qualité.

Vous allez avoir envie de montrer des spectacles de bonne qualité. Et donc vous allez utiliser des formats qui sont gourmands en quantité de données en circulation, donc plus gourmands en bande passante.

Non seulement vous allez aller vers une plus grande quantité de données mais il y a un sous-entendu derrière : les spectateurs vont devoir s’équiper d’ordinateurs, de téléviseurs, de téléphones, qui sont adaptés à cette plus grande quantité de données en circulation (en réception et émission).

Le summum étant l’équipement en nouveaux terminaux qui sont les casques de réalité virtuelle et donc un équipement supplémentaire pour accéder au metavers. Nous savons parfaitement aujourd’hui que c’est la production des équipements qui pose problème et notamment la massification de l’équipement.

Est-ce que nous allons vouloir équiper les 4 milliards d’internautes ou est-ce qu’on va exclure une minorité de gens ? Sujet complexe…

Deuxième élément à prendre en compte : une croissance exponentielle des données en circulation et une augmentation de l’équipement non-soutenable avec un nouveau type de matériel corrélée avec la génération d’une obsolescence technique.

Dernier point, ce sont les logiques d’effets rebonds. Globalement il y a moins de limites sur Internet, il n’y a potentiellement pas de limite en termes de jauge. Vous pouvez avoir un Gangnam Style qui fait 4 milliards de vues là où vous ne remplirez jamais des stades à ce niveau. Ça, c’est un effet rebond en termes de fréquentation.

C’est encore un sujet où il faut être prudent sur des points de vue épistémologiques et scientifiques. Nous n’avons pas encore toutes les études pour venir nous confirmer cette intuition que nous allons être mis en difficulté par ce paramètre. Des études ont été demandées au Centre national de la musique notamment sur le streaming. Ces études vont probablement nous confirmer beaucoup d’éléments que nous posons ici.

Nous ne sommes pas non plus à l’abri que, comme pour les cryptomonnaies en ce moment, les processus s’améliorent et, qu’à usage égal, nous ayons moins besoin de consommer de la donnée. Ce serait une bonne nouvelle puisque nous arriverions à faire de l’efficacité avec des usages à peu près constants, en tout cas pour la consommation électrique.

Pour l’instant, à ce stade de connaissances, il nous semble que ce processus de diffusion massivement numérique ne va pas venir résoudre nos problèmes environnementaux, cela va plutôt venir se superposer aux usages physiques. Cela ne va pas nous arrêter à assister à de vrais spectacles ou concerts. On va rajouter une source d’impact supplémentaire.

Que pourrait-on faire ?

Que pourrait-on faire ?

Dans ce contexte d’analyse de l’impact environnemental du numérique, nous savons qu’il est principalement à l’endroit des équipements utilisateurs et finalement, ce qui pose problème, c’est surtout la massification des usages, voire la démocratisation des usages dans un contexte également de contraintes de plus en plus fortes en termes de ressources disponibles, d’énergies, etc.

Une des hypothèses que nous posons, c’est que nous n’allons peut-être pas tant que ça vers un développement numérique tous azimuts parce que nous n’allons pas avoir les moyens matériels ou énergétiques de le faire.

Par contre, nous irions plutôt vers des formes de numérique dégradé pour essayer de conserver cet usage d’une ressource qui est non-renouvelable. Le numérique est une ressource absolument magnifique, elle peut nous permettre de faire des choses formidables, mais c’est une ressource non-renouvelable qu’on épuise très vite.

Pour ceux qui pensent que cette ressource est précieuse, on peut imaginer de nouveaux équilibres pour essayer de la préserver avec y compris des processus de dénumérisation, ce qui n’est pas du tout dans l’imaginaire collectif pour l’instant.

Il faut aussi comprendre à quel point il se joue quelque chose au niveau de la recommandation par Internet, avec l’économie ou l’écologie de l’attention, dans la façon dont les œuvres sur Internet sont qualifiées et la plupart disqualifiées, et n’arrivent donc pas aux publics.

Contrairement à ce qu’on a pu entendre dire, le numérique n’est pas toujours un outil de développement de nouveaux publics du fait de ces mécanismes de l’économie de l’attention. Il y a aujourd’hui un écosystème en lutte contre une industrie très forte portée par le capitalisme attentionnel. Face aux milliards d’euros qui sont mis sur la table pour capter l’attention des jeunes sur TikTok ou ailleurs, un centre de développement chorégraphique ou encore un musée ne peut pas lutter. Il va finalement toucher par ses outils numériques le public qu’il touche d’habitude par sa communication traditionnelle.

Cette question s’est posée notamment lorsque le Pass Culture a essayé de déterminer ce que pouvait être un algorithme de service public. Comment travailler la découvrabilité ou la recommandation d’une œuvre ? C’est un vrai enjeu du numérique culturel.

On peut poser là d’autres intentions :

  • Identifier les fractures culturelles numériques
  • Monétiser les productions artistiques qualifiées
  • Promouvoir la frugalité numérique (lower tech)

La lower tech est l’idée d’aller toujours chercher la technologie minimale nécessaire à un usage. On ne refuse pas la technologie mais on va chercher la technologie minimale pour ne pas être dans une course à la maximisation qui fait qu’aujourd’hui, nous avons des dispositifs sonores qui ne sont même plus accessibles à l’oreille humaine. Il nous est proposé des qualités de son qui nous sont inaccessibles, en tout cas à l’oreille d’une partie de la population.

Défendre un rapport au sensible par une écologie des pratiques numériques, c’est l’écologie de l’attention, en ayant en tête que en ce moment dans la culture, le numérique, c’est selon nous, le principal facteur de hausse des émissions. Donc le développement actuel du numérique vient complètement en contradiction avec les impératifs de soutenabilité.

Nous ne sommes pas du tout anti-numérique, plutôt technophiles, je pense que le numérique peut nous aider à plein d’endroits (exemple des Assises de l’économie circulaire), mais il y a une très grande prudence à avoir.

Pour faire une synthèse en termes d’analyse, et qui est à mettre en débat, le numérique en tant qu’outil de réduction des impacts de bureau, est particulièrement pertinent.

En tant qu’outil d’expérimentation, c’est également pertinent à l’échelle des artistes, tant que nous sommes dans l’expérimentation et pas dans la massification des usages puisque le numérique en tant que source d’impact est contenu.

L’écoconception et la sobriété vont être nécessaires voire indispensables ; la massification des usages culturels ne pourra pas être soutenable au vu de la quantité d’énergie et de métaux employés.

Ce qu’il devrait être posé au niveau de la Commission Metavers au niveau du ministère de la Culture, c’est la question des volumes de métaux et d’énergie qui vont être nécessaires pour que fonctionne votre infrastructure metavers.

S’ils ne sont pas en capacité de répondre à cette question, ils ne seront pas en capacité de répondre à quelque chose de critique par rapport à leur modèle industriel.

Nous n’avons pas peur d’un avenir dystopique, entièrement digital, nous avons plutôt peur de la disparition de ce bel outil parce qu’on en aura fait n’importe quoi, genre regarder des vidéos de chatons en 5G dans le métro plutôt que des usages vraiment importants, intéressantes et essentielles.

Il me semble que du coup, oui l’idée d’hybridation des usages est possible.

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