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L’impact environnemental du numérique culturel

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Temps de lecture 15 minutes

Au sein du Forum Entreprendre dans la Culture en Nouvelle-Aquitaine 2021 organisé par l’A. Agence culturelle Nouvelle-Aquitaine, a été mise en place une table-ronde conçue par la Région Nouvelle-Aquitaine autour du thème : « L’impact du numérique culturel sur l’environnement : état des lieux et solutions alternatives pour un usage plus écoresponsable ».

Les intervenants

La conception, la production et l’utilisation d’équipements numériques sont des ressources de plus en plus mobilisées par les acteurs culturels dans leurs différents métiers (création, médiation, diffusion, valorisation, etc.). Depuis quelques années, une prise de conscience globale s’opère sur l’impact du numérique tant en termes d’émissions de gaz à effet de serre que des atteintes à la biodiversité, un impact qui porte gravement atteinte à notre cadre de vie. L’enjeu pour le secteur culturel dans un futur proche, sera certainement d’identifier les usages les plus pertinents pour continuer à bénéficier des progrès technologiques de cette ressource non renouvelable qu’est le numérique.

Cet article a pour objectif de restituer les échanges entre les intervenant·e·s de cette table-ronde. Étaient ainsi présent·e·s :

  • Anne Le GALL, directrice des publics à La Gaité Lyrique et présidente – fondatrice du TMNlab. Établissement culturel de la Ville de Paris, La Gaîté Lyrique est un lieu média qui met en lumière les cultures post-Internet. Ces pratiques artistiques, nées et transformées par Internet, y sont exposées, mais aussi imaginées, fabriquées, expérimentées et transmises. Espace de découverte pour comprendre notre époque virtualisée, c’est aussi un lieu de fête, de créativité et de partage.
    L’association TMNlab a pour objet de constituer et animer un réseau de professionnels de la communication, de la médiation et des relations avec les publics du spectacle vivant pour :
    favoriser, interroger et développer l’utilisation des outils numériques, existants et à venir en communication et médiation pour les théâtres et plus largement les lieux de spectacle vivant ;
    faciliter l’échange et la coopération entre professionnels en France et à l’étranger ;
    donner de la visibilité, promouvoir et faire reconnaître les pratiques professionnelles innovantes.
  • Caroline WEILL, chargée des partenariats éditoriaux du Réseau Ritimo.
    Ritimo est un réseau actif depuis 1985 et qui regroupe 75 lieux et des organisations engagées dans un projet de mobilisation pour la solidarité internationale. Son action se situe dans la collecte, la sélection et la diffusion d’une information critique, plurielle et diversifiée et s’inscrit dans le courant altermondialiste. Le réseau anime une réflexion au niveau national et internationale sur le rôle de l’information comme levier de transformation sociale et promeut l’appropriation des outils numériques. En, 2019, le réseau a coordonné le n°21 de la collection Passerelles sur le lowtech numérique, en explorant les enjeux sociaux, environnementaux et politiques du numérique, une réflexion holistique sur l’impact du numérique sur nos sociétés.
  • David CAROLL, Directeur artistique du collectif Slowfest.
    Le Slowfest est un collectif artistique qui depuis 2015 expérimente et met en place des modalités de création et de diffusion des musiques actuelles plus écologiques. Cette sensibilisation des pratiques se fait autour de 3 pôles : artistique, technique et médiation. Au sein de ce collectif, sont expérimentées des pratiques décroissantes ainsi que des solutions qui prennent en compte et adaptent les nouvelles technologies au spectacle vivant.
  • Sara PEHAU, Animatrice radio au sein de BeaubFM – animatrice des échanges.
État des lieux

État des lieux de l’impact environnemental

 

La question est ici de savoir comment peut-on avoir une transformation numérique du secteur culturel consciente de l’ensemble de ses impacts positifs mais également négatifs ? L’usage du numérique peut être une vraie avancée pour nos structures, mais il faut aujourd’hui au vu de l’impact environnemental que nous allons voir, questionner nos usages sur leur utilité sociétale réelle.

Anne LE GALL –

Quand on parle numérique, on a tendance à penser utilisation énergétique du numérique. Mais il faut savoir que 88% des émissions des gaz à effet de serre (GES) proviennent de la production de nos outils, de nos terminaux (ordinateurs, smartphones, etc.), de nos câbles, et de nos datacenters. Ceci vient totalement s’opposer au mythe de la dématérialisation : le numérique a un poids physique énorme au regard des volumes de matériaux et de l’énergie à produire pour nos équipements.

Caroline WEILL –

« Globalement, le numérique est aujourd’hui une ressource non-renouvelable. Nous avons pour 30 ans environ d’exploitation des métaux rares pour garantir cette production, ce qui pose la question de l’obsolescence programmée de nos outils. L’extraction de ces métaux rares en plus de l’émission de GES, a des impacts extrêmement graves pour l’environnement. Ce sont des activités considérées comme étant les plus polluantes. Au vu des techniques d’extraction, il ne peut pas y avoir de production minière durable. »

« A ces pollutions environnementales notamment de l’air, du sol et de l’eau, sont liés des conflits sociaux et sociétaux extrêmement lourds de par le monde. En termes de solidarité internationale, nos usages en tant que citoyens et citoyennes du Nord dans des sociétés très gourmandes en infrastructures numériques, ont des conséquences graves sur les territoires et les ressources naturelles dans d’autres pays du monde, et tout particulièrement dans les pays du Sud. »

L’explosion du numérique, c’est aussi l’explosion de la création et de la circulation des données qui sont matériellement stockées et gérées dans et entre les datacenters. Ces mêmes datacenters sont produits et fonctionnent en émettant la très grande majorité des GES liés au numérique.

Anne LE GALL –

« Ces données sont souvent stockées sans logique territoriale, la distance entre le lieu d’usage et le stockage compte énormément dans l’impact écologique. Ces sujets peuvent être mal maîtrisés par nos lieux ou par nous-mêmes. Il y a aussi un sujet sur le cycle de vie de la donnée et surtout de sa disparition, on doit se donner des limites. On ne peut pas et on ne doit pas maintenir et étendre un stockage à l’infini. »

« On construit un web culturel qui est saturé de données et qui est organisé par des algorithmes d’analyse et de recommandations sur nos pratiques. Tout ceci non pas pour faire découvrir mais plutôt pour ramener du clic et pour nous garder actifs. Nous sommes dans l’antithèse d’une politique culturelle telle que nos lieux les définissent : nous souhaitons a contrario élargir, faire découvrir et faire se rencontrer nos publics. »

« La question se pose sur quel web culturel nous souhaitons construire en tant que lieu culturel et comment nous pouvons y contribuer ? C’est toute la question du mouvement de la découvrabilité des contenus culturels qui a plutôt été abordée par les industries créatives et culturelles et qui commence à faire son chemin dans les lieux culturels et au sein du ministère de la Culture. C’est un des enjeux de l’année à venir et sur ce point-là, le Gouvernement du Québec est très avancé. »

« Le web que nous construisons a aussi un impact social de par le monde notamment à travers une précarisation très importante pour une partie de la population. Elle se pose notamment sur la question du contrôle des contenus sur les réseaux sociaux. Ce contrôle est organisé autour de processus qui ne sont finalement que très peu automatisés. Il y a derrière ces processus des travailleurs dont les conditions de travail sont impossibles à tenir. »

« Mais ces nouveaux usages ont aussi un impact dans nos lieux culturels et dans nos métiers en termes de charge mentale et de la gestion de temps de travail. »

« Il y a ainsi des enjeux sociaux, environnementaux, mais également politiques extrêmement forts sur les questions de la gestion de la donnée. »

Plus on va vers du matériel complexe, plus c’est compliqué de recycler les métaux rares qui les composent, et plus il y a de risques de voir ces déchets dans des décharges absolument catastrophiques sur le plan sanitaire et environnemental. On externalise aujourd’hui l’impact de nos usages numériques que ce soit par l’extractivisme ou le recyclage des déchets (déchets d’équipements électriques et électroniques, DEEE) vers les Pays du Sud. La question est plus de l’ordre de l’organisation économique et politique de nos sociétés que de celui de nos responsabilités individuelles.

Caroline WEILL –

Ces données sont à prendre avec précaution, on ne sait pas ce que les gens regardent réellement. On ne sait pas à partir de quelle source, est-ce une plateforme ou le site spécialisé d’une institution culturelle ?

Anne LE GALL –

« En termes d’offre culturelle, nous n’avons pas de notion sur le type de contenus auxquels les personnes accèdent. On a vu une explosion de la consommation culturelle avec les différents confinements, notamment une augmentation de la consommation par des publics qui avaient moins accès à la culture habituellement. On a d’abord lu cette tendance comme étant un signe positif et intéressant d’ouverture. Au final, sans analyse de ces contenus, on ne sait pas qui a remporté la donne : est-ce les Gafam ou la diversité culturelle qui a devancé l’autre ? »

Pour prendre d’autres exemples de la transformation de la consommation de biens culturels et de ses impacts, la production de plastique pour la fabrication de supports physiques représentait aux États-Unis, l’émission de 157 000 tonnes de GES en 2000. Les émissions actuelles de GES du streaming audio (stockage et transmission des fichiers numériques) sont entre 200 000 et 350 000 tonnes pour la seule industrie américaine…

Deuxième exemple, en parallèle du visionnage de films ou de séries, le spectacle vivant dématérialisé suscite aujourd’hui un véritable engouement avec 39 % des internautes déclarant visionner au moins 1 spectacle (pièces de théâtre, spectacle humour, concerts, opéras, ballets, etc.) dans l’année.

David CAROLL –
Quelles solutions pour un numérique plus éco-responsable ?

Quelles solutions pour un numérique plus éco-responsable ?

La Gaîté Lyrique & TMNlab

La Gaîté Lyrique & TMNlab

On entre toujours dans une vision très sombre du numérique lorsqu’on regarde son impact sur le plan écologique, un « numérique anti-humain », qui est un point de débat très fort au sein des lieux de spectacle vivant. Cependant c’est en ayant cette vision très sombre qu’on peut avoir une vision constructive et responsable du numérique.

Anne LE GALL –

« On va ici évoquer des choix réalisés dans nos structures mais aussi beaucoup d’incertitudes et d’itérations, avec des expérimentations de transformations internes qui ne sont pas forcément évidentes. Aujourd’hui on va essayer de répondre à cette question : quel pourrait être le point de départ pour entamer une démarche numérique plus responsable ?

Globalement, on se sent assez isolé lorsqu’on est sensibilisé aux changements qu’on devrait accomplir au sein de nos organisations, il faut dans le même temps gérer cette éco-anxiété en interne. On essaye de se retrouver en collectifs avec un temps d’apprentissage et de partage pour créer de la convivialité et du lien avec une communauté autour du changement de stratégies et d’outils. Depuis 2015 et plus spécifiquement depuis 2019, le TMNlab met en place des suites d’outils qui infusent dans d’autres communautés interconnectées.

Au sein du TMNlab, un travail d’observation a commencé sur ce sujet en 2018. Quand les premières sorties d’articles de presse ont eu lieu, une multitude de prises de conscience sur l’éco-responsabilité est arrivée dans de nombreuses structures. Mais on s’est trouvé devant un angle un peu mort, celui de la donnée, car obtenir des données sur nos usages est déjà en soi compliqué. Le premier rapport du Shift Project en 2019 était le premier à avoir des données aussi structurées sur le sujet, la question s’est posée sur comment l’appliquer à notre domaine culturel ?

On a donc construit une rencontre en faisant intervenir des professionnels en plein doute, des intervenants qui développent des solutions alternatives, des personnes prônant une décroissance et d’autres qui vont vers du transhumanisme, pour voir ce qui sort comme premiers éléments de réponse.

C’est un chantier vertigineux comme l’est la crise écologique à laquelle on doit faire face aujourd’hui. Et même si c’est vertigineux et que les rôles de nos lieux sont compliqués à positionner en termes d’empreinte – nous sommes des petites gouttes en tant qu’individus – nous avons en tant que structure un réel potentiel de prise de conscience. Nous pouvons en effet construire des nouveaux imaginaires pour penser d’autres manières de faire et les essaimer avec toutes nos parties prenantes (équipes artistiques, prestataires partenaires, publics, etc.). On a eu envie au sein du TMNLab de mettre cela en débat dans notre société.

On a donc mené un état des lieux sur le numérique dans le spectacle vivant. On a développé un premier travail en 2016 mis à jour en 2021 avec beaucoup de questions supplémentaires car les usages et les technologies avaient énormément changé. Dans cet état des lieux, on a disséminé plusieurs questions autour de ces problématiques d’engagement environnemental pour essayer d’évaluer la perception et les actions entreprises par les structures. On a trouvé aujourd’hui dans notre secteur une défiance énorme sur la question du numérique elle-même. Il y a une grosse opposition entre nos missions de service public et la question de la transformation numérique. On l’a mesurée à plusieurs niveaux :

  • 37 % des structures déclarent que c’est impossible d’avoir une vision du numérique en interne ;
  • 23 % des structures sondées se méfient de l’impact environnemental du numérique, un chiffre qui amène certaines structures à ne pas s’engager dans une transformation numérique.

Parallèlement, il y a d’autres mouvements en marche :

  • 33 % des structures ont effectué des achats de matériel reconditionné.
    On sait par contre qu’il y a énormément de freins idéologiques (durée de vie, performances, etc.), de freins structurels au niveau des politiques d’achat public qui empêchent de passer par des plateformes de matériel reconditionné, et d’autres freins associés ;
  • 49% de structures ont engagé une politique de choix d’outils moins énergivores, de travailler sur des serveurs dits verts, avec les réserves qu’on peut attribuer à cette qualification, sur des technologies open source, etc.
  • 58% des structures ont effectué une démarche de gestion de fin de vie avec énormément de problématiques sur la recherche de cercles vertueux.

On peut faire un parallèle avec la question de l’impact humain du numérique, de la transformation des métiers et plus spécifiquement sur le droit à la déconnexion et sur les questions de charge mentale. On a interrogé des structures culturelles pour savoir si elles mesuraient l’impact du numérique sur l’humain dans leur fonctionnement. Est-ce que la transformation numérique est accompagnée par la direction de la structure d’une transformation des métiers ? Les équipes des structures culturelles peuvent également en effet se retrouver dans la situation de « travailleurs du clic ». Il y a des choses qui sont amorcées mais trop timidement, sans trop avoir de politique globale.

Sur la question de la transformation numérique, il y a aussi la question de l’accessibilité qui est un parent pauvre, au vu de la tendance très lourde de fracture numérique au sein des publics. Le numérique est en effet une formidable opportunité d’accessibilité culturelle mais ce n’est pas assez développé dans la transformation numérique de nos structures. En effet, même si cette question est importante, cette transformation ne doit pas être cantonnée au seul streaming, ce n’est pas la dématérialisation du spectacle vivant, c’est bien d’autres sujets, celui de la transformation organisationnelle, c’est des questions de la meilleure utilisation de la donnée pour développer des politiques culturelles de territoire, des questions de mutualisation inter-secteurs, avec beaucoup d’autres problématiques. »

« Au sein de la Gaité Lyrique, nous avons travaillé cette question autour de 3 axes. D’abord, La Gaité Lyrique est dédié à la question des cultures numériques et des cultures post-Internet, donc on observe l’impact de cette transformation et de l’essor d’Internet sur les pratiques culturelles, sur les pratiques des publics et sur la société. Le tout avec un regard qui n’est pas du tout techno-centré mais plutôt centré sur les usages. Il y a tout un volet de programmation qui vient questionner ces sujets-là donc c’est à cet endroit qu’on permet d’essayer de construire collectivement des imaginaires et de penser le rapport au numérique.

Ensuite sur la construction collective de solutions, on travaille sur des volets inter-lieux. On a contribué dès 2019 au chantier Économie circulaire de la Ville de Paris, qui a permis de produire 9 fiches conseils pour les lieux librement accessibles et qui permettent de lancer une transformation sur ce sujet-là. Mais la question du numérique n’était pas du tout traitée. On s’est engagés dans le nouveau chantier pour commencer à traiter ce sujet et parallèlement, on a lancé un sujet de discussion avec la FEDELIMA et le SMA pour essayer de construire des solutions d’évaluation de l’empreinte carbone des lieux et notamment sur l’aspect numérique. Le tout en mutualisant, car il y a toujours cet enjeu du comment construit-on ensemble ? A l’échelle de nos lieux on n’est pas forcément outillés. En termes de budget, c’est compliqué, en termes de forces RH également. Et donc c’est en travaillant à plusieurs qu’on peut réussir à trouver des solutions pour construire ensemble et pouvoir s’engager dans un modèle vertueux.

Enfin, il s’agit d’agir en interne. On travaille sur des entrées d’évaluation sur ces questions et sur l’action à long terme sur le plan humain (droit à la déconnexion, charge mentale, éco-anxiété, etc.), sur le plan de l’équipement hardware, les outils collaboratifs mais aussi l’hébergement. Par exemple, il est très difficile de ne plus utiliser d’outils extrêmement fluides comme ceux de Microsoft ou de Google qui ont des départements de recherche et développement particulièrement bien dotés pour avoir des outils très efficaces et très stables, et trouver des alternatives. Il y a des freins en interne, mais également des freins sur le choix de prestataires et les critères d’écoconception. »

Ritimo

Ritimo

Pour Ritimo, il ne s’agit pas de dire que « la technologie c’est mal », mais c’est vraiment de se demander quelle technologie est au service de quelle société. Pour nous la question principale à résoudre, c’est celle de la réappropriation des outils numériques qui nous permet d’avoir la main à la fois sur l’impact environnemental et sociétal.

Caroline WEILL –

« Notre choix a été de s’appuyer sur le mouvement libriste notamment Framasoft, c’est-à-dire des militant·e·s des logiciels libres qui ont depuis 30 ans des réflexions sur comment on lutte contre la propriété privée de nos objets et de nos logiciels pour pouvoir maîtriser l’ensemble de leurs impacts. Framasoft a ainsi proposé toute une série de services alternatifs à Google, des services dont les usages ont explosé pendant le confinement.

Pour vous donner un aperçu de notre positionnement, notre infrastructure numérique au sein de Ritimo repose sur Globenet, un hébergeur associatif et militant qui met à disposition à la fois des infrastructures (machines et réseaux) et des services que ce soit des mails, des logiciels de travail collaboratif, des hébergements de données, etc.

Pourquoi choisir un hébergeur alternatif ? Quels sont leurs avantages ? D’abord, on s’assure que leurs serveurs sont d’occasion et donc reconditionnés, avec un système d’exploitation volontairement moins complexe à maintenir par souci de stabilité. L’infrastructure est gérée de manière horizontale par des militants qui portent une attention particulière à la protection des données.

Pour le streaming, il y a des initiatives comme PeerTube, une alternative libre et décentralisée aux autres services de diffusion vidéo type YouTube. Décentraliser le flux demande moins de ressources sur le serveur, pour avoir moins de vidéos à très haute résolution extrêmement consommatrices de ressources. Etc.

Pour se lancer dans une démarche de ce type, nous vous invitons à découvrir les travaux de Gauthier ROUSSILHE, sur la conception de services numériques low tech.

Il y a aussi des espaces de réappropriation des technologies type hackerspaces, des communautés où ceux et celles qui savent un peu plus enseignent, transmettent et construisent ensemble. Il y a dans ces hackerspaces la question de la réutilisation de matériels pour éviter de nouveaux rachats et donc de nouveaux déchets numériques. La seconde dimension est la diffusion de l’information pour prendre du recul avec les injonctions permanentes du tout numérique et du manque de critiques de ces usages. A Ritimo, on essaye de diffuser de l’information sur les tenants et aboutissants des enjeux du numérique pour travailler avec des sphères d’action complémentaires. »

Slowfest

Slowfest

Ce type de pratique n’a son intérêt que si on le partage. On exerce une espèce de droit d’inventaire technologique. Si une technologie a un intérêt pour servir l’évolution globale de notre secteur, on la garde, sinon on la jette. Et le streaming fait partie des technologies qu’on a gardées.

David CAROLL –

« Je suis directeur artistique d’un collectif qui expérimente des manières plus écologiques, moins énergivores de faire ce qui est notre passion et notre métier. Slowfest organise des tournées d’artistes à vélo, on a monté tout un parc solaire pour pouvoir sonoriser des concerts et des festivals en autonomie énergétique, on a organisé un festival itinérant en mobilité douce (à vélo et à cheval) et en 2019, on a commencé à se pencher sur la question du numérique. En réalité, on avait déjà expérimenté le streaming dès 2015 en festival car le streaming a été la seule entorse à la règle de non-électricité qu’on s’était donnée.

Après 2019, le streaming a complètement explosé après les confinements avec une déferlante de concerts dont beaucoup de mauvaise qualité même de la part de musiciens exceptionnels. On s’est demandé comment interroger l’impact environnemental de cette pratique ?
On va faire des livestreams mais sans passer par les plateformes et avec une approche complètement lowtech. Au sein de Slowfest, on fait les choses généralement en 3 phases : on fait les choses entre nous en petit comité, une fois ce travail testé on va voir des partenaires sur notre territoire pour mettre en place un événement un peu plus carré et ensuite on essaie de partager ce travail avec d’autres collectifs ailleurs. »

« En octobre 2021, on a monté un 2ème livestream avec le Krakatoa, une salle de concert labellisée SMAC basée à Mérignac qui nous a accueillis pour 3H30 de programmation avec une vraie émission de télé en direct comprenant des concerts live et des discussions sur des sujets qui nous tiennent à cœur. Le tout sur une version 2 de notre solution avec un Raspberry Pi, un nano-ordinateur qui consomme 4W et qui est alimentée par notre remorque solaire, donc en autonomie. On a réussi à avoir une audience de 500 personnes au total sur cet événement, dont 150 en permanence, ce qui correspond à un bon score. La prochaine étape sera de partager ce travail avec d’autres artistes, d’autres salles et d’autres partenaires, pour que cela puisse se reproduire ailleurs, notamment une WebTV reposant sur Peertube. »

Témoignages

Témoignages

La Forêt d’Art Contemporain est un musée à ciel ouvert en plein milieu du massif forestier des Landes. Créer une application mobile de médiation pour une telle structure est un vrai défi, surtout quand il s’agit de pratiquer l’éco-conception. En milieu rural, il y a une très faible couverture réseau. Le contenu de l’app doit donc être accessible hors ligne. Se pose alors la question du poids de l’application sur un téléphone et du stockage des données. Nous avons décidé d’avoir une application très simple et très légère. Il est aussi très important de choisir des outils libres de droit comme OpenStreetMap pour un fond de carte. Autre réflexe, privilégier les hébergeurs français. Enfin, en tant que créatrice d’application mobile, j’évite un maximum d’intégrer à l’application des notifications non essentielles. En plus de nous déranger, elles sont gourmandes en énergie !

Maylis DOUCET, développeuse de l’application éco-conçue de La Forêt d’Art Contemporain –
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Captures d’écran de l’application de la Forêt d’Art Contemporain
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