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Un Festival à Villeréal : histoire d’un festival engageant

Un festival à Villeréal 2023
Mis à jour le 16 août 2023

Chaque été, depuis 2009, Villeréal (47) se transforme en théâtre à ciel ouvert le temps d’une semaine. Alors que la 14ème édition de Un Festival à Villeréal s’achève, nous avons longuement conversé avec Samuel Vittoz, le directeur artistique.

Nous sommes en 2009, Samuel est sorti du Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris depuis 3 ans. Il décide de revenir dans ce coin de France, en Lot-et-Garonne, où, enfant, il passait toutes ses vacances; Il y crée un festival de théâtre.

Région Nouvelle-Aquitaine : Pourquoi avoir choisi Villeréal précisément ?

Samuel : Mon père est de Villeneuve-sur-Lot mais Villeréal a une économie sociale particulière. C’est une ville de 1300 habitants avec 157 commerçants ! De plus, elle a une position centrale à 30 minutes de Villeneuve d’un côté et 30 minutes de Bergerac de l’autre, 2h de Bordeaux et de Toulouse. Cependant, le premier théâtre est à 30 km, il n’y avait donc pas d’habitude de « consommation » du spectacle vivant…
Pour moi, la pratique théâtrale est un complexe politique, social, économique et artistique. Je voulais faire un projet pour lequel j’agirais sur l’ensemble de cette chaîne, et pas uniquement sur la partie artistique. Remettre le théâtre au cœur de la cité, et quoi de mieux qu’un village construit en bastide comme Villeréal !?

Il ne s’agissait pas d’arriver avec un projet tout fait dans un lieu mais de comprendre les ressources d’un territoire pour créer le projet approprié.

Enfin, si nous nous sommes installés à Villeréal c’est aussi et surtout parce que le maire de l’époque, Pierre-Henri Arnstam, a été tout de suite sensible à notre projet et la municipalité a été notre premier soutien.

Un festival aux deux règles

Un festival aux deux règles

Le lieu du festival est choisi, l’association Vous êtes ici est créée, tout est prêt pour lancer la première édition !

Région Nouvelle-Aquitaine : En quoi Un Festival à Villeréal se différencie d’un autre festival de théâtre ?

Samuel : On s’est imposé deux règles d’or : être un festival de création et questionner les modèles de production en privilégiant le « non-marchand ».

Au début de l’aventure, pour encourager la création théâtrale, l’écriture au plateau ou encore l’écriture collective, on invitait les équipes artistiques pendant 4 à 5 semaines à venir travailler et vivre sur place pour créer un spectacle. Au début, les créations étaient entièrement pensées pour le festival, puis, au fur et à mesure des années, certaines ont dépassé le temps du festival et ont été jouées ailleurs. En 10 ans, on a dû produire une soixantaine de formes…

Région Nouvelle-Aquitaine : Mais comment faisiez-vous pour accueillir des équipes artistiques sur une période aussi longue ?

Samuel : En faisant appel aux habitants volontaires pour héberger les artistes chez eux ! Aussi, lorsque nous avons commencé, il y avait beaucoup de maisons inhabitées sur la commune. Nous contactions les propriétaires pour leur demander si nous pouvions les utiliser et, lorsqu’on avait l’accord, on les meublait (avec des meubles prêtés encore une fois par les habitants) pour y loger les équipes ou bien pour y jouer les spectacles.

Région Nouvelle-Aquitaine : Les habitants devenaient de réels acteurs de ce festival, sans eux vous n’auriez pas pu rester dans un modèle non-marchand pour l’hébergement.

Samuel : Leur apport allait bien au-delà de cela ! Nous avons créé un réseau solidaire et d’entraide entre les habitants et les artistes pour répondre aux besoins de la création. Les artistes discutaient avec les habitants de leurs envies de costumes, de décors, etc. et chacun prêtait un élément par-ci, par-là : une lampe, un chapeau, une chaise… Souvent, en discutant, les habitants questionnaient les artistes sur les raisons du choix de tel ou tel accessoire et finissaient par leur proposer autre chose qui collait davantage au projet. C’était une réelle collaboration !
Cela a tellement bien fonctionné que les habitants bénévoles se sont constitués en association : Les Amis du festival.

En plus de l’aide des habitants, on a pu utiliser l’ancienne gendarmerie de Villeréal pendant 2 ans, avec l’accord du Département, puis les locaux du Trésor Public, mis à disposition par la Mairie, avant qu’ils ne soient vendus.

S’arrêter pour mieux repartir

S’arrêter pour mieux repartir

Après 10 années d’existence, les organisateurs ressentent un essoufflement, des difficultés à renouveler les membre du réseau d’habitants et le COVID bouleverse tout !

Région Nouvelle-Aquitaine : Vous avez annulé une seule édition en 2020 à cause de la crise sanitaire ; trois ans plus tard, qu’est-ce qui a changé ?

Samuel : Beaucoup de choses ont changé, à commencer par le contexte immobilier de Villeréal qui, depuis l’obtention du label « Plus beau village de France », a beaucoup évolué. Actuellement, il n’y a plus de maisons à vendre dans la village… Tous ces lieux qui nous utilisions pour nos spectacles, pour y loger des artistes ne sont donc plus disponibles.
Il est aussi difficile de trouver des habitants qui acceptent de recevoir chez-soi des équipes pendant une période aussi longue. Enfin, le milieu artistique s’est précarisé, il n’est pas facile pour les artistes de s’investir dans un projet sur plusieurs semaines.

Face aux difficultés, l’équipe du festival décide de réagir et d’adapter son projet à ce nouveau contexte social, économique et artistique.

Samuel : Un changement de formule s’imposait ! Nous souhaitions redonner un nouvel élan à notre projet en lui donnant un temps autre que celui estival. Nous proposons donc maintenant une programmation à l’année, non plus uniquement sur Villeréal mais aussi sur les autres villages de la communauté de communes Bastides en Haut-Agenais Périgord et des actions de médiations avec les scolaires notamment.
L’idée est de travailler sur un temps long, avec des équipes artistiques qui sont inviter sur plusieurs années en venant régulièrement sur le territoire, pendant et hors festival.

Région Nouvelle-Aquitaine : Et les habitants dans ce changement, sont-ils toujours inclus dans vos réflexions ?

Samuel : Sans aucun doute ! Ils sont toujours sollicités pour héberger des artistes, même si aujourd’hui nous avons contacté plusieurs maires de la communauté de communes pour disposer de leurs locaux vacants. Enfin, nous sommes en train de réfléchir au modèle de gouvernance de notre association Vous êtes ici. Finalement, avec les années, on a constaté qu’il y avait confusion entre les deux associations, la nôtre et celle des Amis du festival qui avait été créée pour nous aider. Les gens ne comprenaient plus pourquoi il fallait adhérer à l’association des Amis pour aider le festival et pas à l’association organisatrice directement. On a donc décidé d’ouvrir Vous êtes ici aux adhésions et nous travaillons maintenant à renforcer nos instances de gouvernance avec un bureau et un conseil d’administration animés par des personnes motivées.

Région Nouvelle-Aquitaine : Vous êtes dans une phase de transition très importante pour le projet sur le territoire, vous parvenez tout de même à garder un public fidèle ?

Samuel : Les spectateurs sont peut-être l’élément le plus stable de ces dernières années. Au départ, le public était composé à 70% de connaissances, d’amateurs de théâtre qui venaient de toute la France et seulement 30% de locaux. Il nous a fallu quelques années pour être pleinement acceptés par les habitants « du coin », pour casser les idées reçues sur le théâtre (considéré par plusieurs comme un art pour les « intellos »), sur les artistes « payés à rien faire », etc. Et puis, depuis 2012-2013, la tendance s’est inversée et depuis nous sommes sur un ratio de 70% de locaux et 30% de personnes d’ailleurs.

La proximité créée avec les habitants, entre nous et eux mais aussi avec les artistes qui sont passés en résidence, ainsi que le choix que nous avons fait depuis le départ de se saisir des ressources du territoire uniquement (achats auprès des commerces du village pour l’alimentation, hébergements, etc.) ont instauré des liens très forts et durables qui ancrent profondément le projet sur Villeréal et ses alentours.

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