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Le livre et la lecture pendant le confinement

Temps de lecture 6 minutes

Au soleil et à la douceur des premiers jours ou auprès d’un bon feu de cheminée en ce début de mois d’avril, la lecture reste un moyen sûr d’occuper ces journées de confinement sanitaire. Les ressources de lecture fleurissant sur le web depuis 3 semaines, il semble prudent de questionner ces pratiques avant de les présenter.

En effet, il s’agit de décrypter ce que le confinement semble provoquer ou amplifier ; ces pratiques de diffusion de livres seront-elles temporaires, ou bien vont-elles générer une accélération de la transformation numérique du secteur livre ? La filière livre s’est jusque là emparée très timidement de l’enjeu du numérique. Après une révolution annoncée autour du livre numérique… qui ne s’est pas produite, les acteurs de la chaîne du livre (éditeur, diffuseurs, libraires) ont surtout misé sur le numérique pour développer des boutiques en ligne, des nouveaux canaux de distribution jusqu’au lecteur. Les projets de nouvelles écritures intégrant des techniques transmédias, restent encore très rares, mais commencent à se développer en Nouvelle-Aquitaine, notamment sous l’impulsion des résidences du Chalet Mauriac.

Les bibliothèques en revanche, ont pu miser sur la création de bibliothèques numériques pour valoriser leurs fonds anciens et ainsi diversifier leurs actions de valorisation depuis plus de 20 ans. De la simple mise à disposition de ressources numérisées au plus grand nombre, on remarque désormais des éditorialisations très intéressantes en ligne permettant de redécouvrir la lecture et les œuvres.

Patrimoine et langues régionales

Patrimoine et langues régionales

Ainsi, on peut se plonger dans la somme de ressources en ligne de longue date, et se lancer dans la consultation frénétique de la bibliothèque en ligne de la BnF, Gallica et notamment ses sélections éditoriales dignes d’un commissariat d’exposition – ainsi que de ses déclinaisons locales, telles la Bibliothèque numérique du Limousin portée par la Bibliothèque francophone de Limoges -, ou encore découvrir Sélén, la bibliothèque numérique de Bordeaux.

Il est bien évidemment possible de parfaire son goût et sa maîtrise de nos langues régionales, et plus particulièrement l’occitan et le basque, grâce aux nombreuses ressources déjà en ligne grâce à Occitanica qui propose des “milliers de ressources culturelles, éducatives et scientifiques en accès libre” ou le “portail des fonds documentaires basques”, Bilketa.

Littérature contemporaine et bande dessinée

Littérature contemporaine et bande dessinée

Mais l’on peut avoir soif de nouveautés, de littérature contemporaine ! Si les librairies ont portes closes, il n’est pas certain de pouvoir compter sur les services postaux pour recevoir ses commandes, à plus forte raison parce que nombre d’éditeurs indépendants ont cessé leurs expéditions.
Comme l’a noté à plusieurs reprises Le Figaro (“Les initiatives du monde de l’édition pour lire pendant le confinement” puis “Coronavirus : Les éditeurs font tout pour garder le contact avec les lecteurs”), les grands groupes éditoriaux se sont rapidement mobilisés pour ouvrir une partie de leurs catalogues à la consultation ou au téléchargement, à des prix réduits voire gratuitement.
Nombre d’indépendants proposent également de découvrir certains de leurs ouvrages au format numérique. Ainsi, les éditions Amsterdam proposent une partie de leur catalogue via Calaméo, notamment La Petite Ville, d’Éric Chauvier où il est question des bouleversements et de la déprise subis par la ville de Saint-Yrieix-la-Perche en Haute-Vienne. Même initiative, à priori plus réduite, du côté de l’éditeur basé dans les Deux-Sèvres La Geste (éditeur de beaux-livres régionalistes et de polars notamment “de l’école limousine” – si l’on peut dire – (Franck Linol, Joël Nivard, Laurence Jardy, Laurine Lavieille…) ; via son Facebook, cette maison propose de découvrir des instants de vie de ses auteurs et même, certains jours, de télécharger certains livres de son catalogue sur simple demande.

Ce pourrait être aussi l’occasion de se replonger dans les portrait d’éditeurs limousins et de Georges-Emmanuel Clancier réalisés par l’association Marge en tête et visibles sur Vimeo depuis leur site.

Ou bien de découvrir l’application Portraits rêvés, de l’association Un autre monde, “une initiative de création littéraire et numérique” qui invite à “découvr[ir] l’univers de plusieurs auteurs du livre de la région Nouvelle-Aquitaine à travers des biographies inventées à partir de l’un de leur ouvrage.”

 

Côté illustration et bande dessinée, artistes – nous y reviendrons plus bas – et éditeurs sont particulièrement mobilisés, au risque de faire analyser dans un futur lointain ces quelques semaines comme l’ère du coloriage…

Ainsi, les Éditions Rouquemoute, un éditeur indépendant nantais qui a basé son modèle économique essentiellement sur les les ventes directes et surtout sur les préventes via le financement participatif (Ulule et KissKissBankBank), proposent, depuis leur page Facebook, un accès gratuit à certaines de leurs publications, dont les carnets de coloriage de Soulcié…

La Cité internationale de la bande dessinée d’Angoulême, bien évidemment fermée, a répondu à l’appel du ministère de la Culture et à son opération #culturecheznous et offre sur son site internet, citebd.org, une programmation intitulée « La Cité de la BD s’invite chez vous » qui propose de parcourir ses collections et fonds patrimoniaux à travers des parcours thématiques et des focus sur des auteurs.

ALCA en Nouvelle-Aquitaine présente dans “Confinés mais créatifs”, un article de son e-media Prologue, d’autres initiatives de créateurs.

Médiation et transmission

Médiation et transmission

Si les prêts sont de facto prolongés, bibliothèques et médiathèques, bien que fermées, cherchent à prolonger leur offre de services à leurs lecteurs, adhérents…donnant accès à des ressources numériques : à l’international, on peut citer les bibliothèques de Montréal dont le catalogue numérique est riche d’environ trente mille références ; en Nouvelle-Aquitaine, par exemple, la médiathèque du Grand Poitiers ouvre un accès gratuit à l’ensemble des habitants de la communauté urbaine pour découvrir livre, musique, cinéma… La Médiathèque départementales des Landes, outre l’accès gratuit à “des dizaines de films”, proposent le “Campus parentalité” afin d’accompagner les parents dans l’éducation à la maison de leurs enfants.

Le confinement peut être aussi l’occasion de se lancer dans la pratique de l’écriture. Plusieurs structures se proposent ainsi de vous accompagner : La Mijoterie des mots met en place des ateliers d’écriture en ligne avec un animateur ; Le Labo des histoires Nouvelle-Aquitaine a mis en place ses “Jeudis d’écriture” avec la publication sur Facebook chaque semaine d’un sujet d’écriture à mener en autonomie.

Libraires en danger ?

Libraires en danger ?

Même si le gouvernement a brièvement envisagé de considérer les librairies comme relevant des commerces de première nécessité et d’en autoriser l’ouverture, celles-ci sont restées fermées – et on ne saurait trouver à y redire… de l’avis même des professionnels… Cette réflexion était née du risque de voir l’ensemble du marché des ventes de livres capté par un un seul acteur, en l’occurrence Amazon, véritable bête noire depuis de nombreuses années du monde de l’édition…

Peuvent espérer tirer leur épingle du jeu les plateformes de vente de livres numériques via lesquelles certains éditeurs proposent le téléchargement gratuit d’une partie de leur catalogue (telles les Éditions i spécialisées en spiritualité, connaissance ou dans des tirages limités de bande dessinée notamment de François Boucq – Bouncer, Face de Lune…). Comme le service de lecture en ligne de bandes dessinées Izneo qui surfe sur la vague du confinement pour mettre en avant son offre et son catalogue, sans que l’offre commerciale soit forcément spécifique. Comme pour l’audiovisuel, il s’agit de profiter d’un « public » potentiel bien plus conséquent qu’habituellement, disposant d’un temps bien plus considérable, et de se positionner afin d’élargir potentiellement considérablement sa clientèle, ou à tout le moins de capter de la donnée et de consolider ses fichiers de diffusion et de prospection.

Mais les libraires sont habituellement et régulièrement créatifs, comme le montrent bien les quelques exemples cités par l’ALCA dans son article “Confinés mais créatifs” de son e-media Prologue :

Lauréates de la bourse Libraire de la fondation Jean-Luc Lagardère en janvier dernier, Manon Picot et Anaïs Combeau continuent de vendre des livres aux clients angoumoisins de Lilosimages. La Drôle d’Épicerie, commerce alimentaire voisin de la librairie, vend ainsi des Lilobags, des sacs surprises confectionnés par les libraires et adaptés à chaque âge, comportant un livre et un jeu pour les enfants ou plusieurs livres pour les adultes. Ne disposant pas de ce circuit inédit, d’autres libraires en appellent à la solidarité de leurs fidèles lecteurs : Les Oiseaux Livres, à Saint-Yrieix-La-Perche, en Haute-Vienne, engage par exemple les lecteurs à commander des livres pour « anticiper » la reprise quand La Zone du Dehors, à Bordeaux, recommande des lectures en invitant ses clients à créditer leur compte en ligne, avec la création d’une Pandémie Box. À Bergerac (24), Baptiste Gros et Caroline Dieny – et leur bébé qui passe parfois une tête ! –, diffusent tous les jours une nouvelle vidéo des Lectures de confinement, série de lectures filmées à laquelle participe le couple de libraires de La Colline aux Livres.

Enfin, chaque lecteur néo-aquitain a la possibilité de soutenir son libraire indépendant préféré grâce à l’association Librairies indépendantes en Nouvelle-Aquitaine puisque, par le biais de son site, il est possible de spécifier le libraire auprès duquel vous souhaitez votre achat de livre numérique.

Auteurs, artistes… quelle création ?

Auteurs, artistes… quelle création ?

Aux premières initiatives largement médiatisées (#CoronaMaison par Tim et relayé par Pénélope Bagieu, #jeuLAPINOT par Lewis Trondheim…) s’ajoutent sans cesse de nouvelles propositions, les auteurs et artistes ne cessant, essentiellement à travers les réseaux sociaux, d’inviter leurs lecteurs à consulter leurs travaux, à interagir – l’illustrateur Thibault Prugne propose ainsi des Facebook Live de “coloriage” -, à co-créer… Jamais sans doute n’aurons-nous vu émerger plus de “cadavres exquis”, toutes disciplines confondues, que ces derniers jours.

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