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Les « Oubliés » de Cadillac : la mémoire retrouvée

Les noms des 3 400 « Oubliés » gravés sur le mur au fond du cimetière. © Roger Savry.
Mis à jour le 17 mars 2022

Le cimetière des Oubliés est un lieu de sépulture lié à l’histoire de l’hôpital psychiatrique de Cadillac-sur-Garonne en Gironde. Il est créé en 1923 pour accueillir les soldats de la guerre de 1914-1918, qui avaient été internés, traumatisés par les combats et qui mourraient en nombre à Cadillac. Le cimetière des Oubliés est l’un des très rares témoignages d’un sujet méconnu de l’histoire de France : le statut de ces combattants abimés par la guerre « ces gueules cassées » ou l’oubli « ces mutilés du cerveau ». C’est aussi plus largement le statut des Oubliés de la société qui est mis en lumière. Ces hommes et ces femmes étaient soignés en hôpitaux psychiatriques et mouraient seuls, sans l’espoir d’un retour auprès de leurs familles pour être inhumés.

Le projet de valorisation du cimetière des Oubliés de Cadillac, lancé le 11 novembre 2018 à l’initiative du Président de la Région Nouvelle-Aquitaine, lève le voile sur toute cette histoire. Il a été construit autour de trois enjeux :

Engager un nouveau devoir de mémoire sur ce lieu

Parce qu’il était à l’abandon [1] depuis de nombreuses années, le cimetière a fait l’objet de travaux de valorisation lui permettant de retrouver une intégrité et une dignité en rapport avec son intérêt historique indéniable.

D’après les recherches menées grâce au travail préalable du Professeur Benezech, 4 313 personnes ont été identifiées comme ayant été inhumées au cimetière des Oubliés : des combattants, des civils hommes et femmes, quelques enfants. Plus de 751 noms figuraient sur les croix ou sur les tombes, 3 400 noms ont été ajoutés sur le mur du fond et 162 dans le carré des combattants pour les militaires. Le travail de mémoire qui a été conduit s’est attaché à rendre visible tous les noms des Oubliés inhumés dans le cimetière, dont on a retrouvé la trace.

Conserver l’esprit du lieu et travailler sur un traitement paysager raisonné

Afin de préserver l’authenticité du lieu et rester cohérent avec son histoire, la restauration [1] a été conduite dans le sens d’une préservation des éléments patrimoniaux en place (croix, socles béton, bornages des allées, restauration du corbillard acheté à la création du cimetière…). Les éléments trop altérés ou manquants ont, quant à eux, été restitués à l’identique. Le traitement paysager du site s’est appuyé sur des recherches historiques et s’est efforcé d’adoucir son caractère « aride » originel. Les allées ont été redessinées, les sols légèrement terrassés, la végétation sauvage a été supprimée, un alignement d’arbres a été recréé. L’entrée du cimetière a été modifiée pour permettre un cheminement logique dans le site. Il a été inauguré le 19 septembre 2020.

Faire comprendre l’histoire du site pour la transmettre aux générations futures

Une scénographie discrète dans la cour d’accueil permet aujourd’hui d’apporter des éléments de connaissance et des clés de lecture aux visiteurs.

L’ancienne maison du fossoyeur, inaugurée le 15 octobre 2021, jouxtant le cimetière, a été ajoutée au projet pour créer un espace d’interprétation mémoriel. Les recherches historiques qui ont été menées honorent la mémoire des individus enterrés au cimetière et relient les visiteurs à une histoire collective : la folie, l’oubli, la vie à l’hôpital psychiatrique de Cadillac, les pathologies mentales, les « mutilés du cerveau » de la Grande Guerre…et individuelle : les parcours de vie de certains Oubliés.

Une scénographie volontairement simple est proposée, composée de cimaises avec textes et images, de projections sonores et visuelles. Une table tactile présente les noms des Oubliés et permet d’en apprendre davantage sur certains d’entre eux : âge, profession, pathologies, provenance géographique. D’autres « cimetières des fous » sont aussi présentés ainsi qu’une sélection de lieux de mémoire de l’histoire du XXe siècle en Nouvelle-Aquitaine.

Le projet de valorisation mené sur le cimetière des Oubliés à Cadillac permet désormais de proposer aux visiteurs et aux scolaires un ensemble cohérent et complet.

[1] Le cimetière bénéficiait d’une inscription partielle au titre des Monuments historiques depuis 2010. En 2021, le projet de valorisation a permis une inscription totale du cimetière, de la cour d’accueil et de la maison du fossoyeur.

[2] L’ensemble des travaux a été conduit par Delphine Gramaglia, architecte du Patrimoine de l’agence « Architecture Patrimoine » de Bordeaux. La Région Nouvelle-Aquitaine (service du Patrimoine et de l’Inventaire) a piloté ce projet et l’a financé à hauteur de 743 695 euros, soit 70 % du financement total.

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