Le palais des ducs d’Aquitaine à Poitiers (Vienne)
Construit au sommet et au centre de la ville, le palais des comtes de Poitiers et ducs d’Aquitaine a traversé les siècles et les régimes politiques. Dans ses affectations successives, il a toujours eu un rôle important dans la ville, ainsi que dans l’histoire du Poitou et de l’Aquitaine. Ce lieu de pouvoir emblématique est aussi un exemple exceptionnel d’architecture civile médiévale. Il est aujourd’hui l’objet de projets de mise en valeur, suite au départ prochain du Palais de justice qu’il abrite.
Le palais des Guillaume et d’Aliénor
Un premier palais carolingien, mentionné au milieu du 9e siècle, est construit à cet emplacement, au point culminant de la ville, s’appuyant contre l’enceinte gallo-romaine. Palais royal à l’origine, il est ensuite investi par les comtes de Poitiers, les « Guillaume », qui deviennent ducs d’Aquitaine. Incendié en 1018, le palais est reconstruit par Guillaume V le Grand, avec la volonté d’en faire le lieu symbolique de son pouvoir. Guillaume IX le Troubadour ajoute en 1104 un donjon, devenu aujourd’hui la tour Maubergeon. Cette tour, en plus de sa fonction résidentielle, est le lieu où le duc reçoit l’hommage de ses vassaux.
À la fin du 12e siècle, une grande salle est construite probablement par Aliénor d’Aquitaine, en remplacement d’une salle plus ancienne. Cette grande salle sert de cour de justice et de salle d’apparat pour les grands événements. Ses dimensions sont considérables : 50 mètres de long sur 17 de large. Sur les murs intérieurs, les arcades, portées par de fines colonnettes, donnent toute l’élégance au monument.
Un palais remanié par Jean de Berry…
En 1204, le Poitou est conquis par le roi de France Philippe Auguste qui le rattache au domaine royal. Le palais devient le siège de l’administration royale en Poitou. Pendant la guerre de Cent Ans, la ville est prise par les Anglais et le palais est en partie détruit. Plusieurs campagnes de travaux sont ensuite engagées dans les années 1380 par Jean de Berry, comte de Poitou et fils du roi Jean II le Bon. La tour Maubergeon est entièrement remaniée et cantonnée de tourelles rondes aux angles. À l’extérieur, des statues ornent le second niveau de la tour. Des niveaux supplémentaires étaient probablement prévus, mais ils n’ont jamais été construits. L’intérieur est couvert de voûtes d’ogives qui s’appuient sur trois piliers centraux.
Jean de Berry fait reconstruire également le mur sud de la grande salle et le dote de trois cheminées monumentales richement ornées, surmontées de vitraux munis d’un réseau gothique flamboyant. Le traitement des trois conduits de cheminées, qui n’obturent que très partiellement les vitraux, est une véritable prouesse de l’architecte Guy de Dammartin.
… qui abrite le parlement, puis le présidial
Le palais occupe alors une fonction essentiellement judiciaire, accueillant le Parlement de Paris de 1418 à 1436 (Paris étant aux mains des Anglais), le Parlement de Bordeaux de 1469 à 1472, les Grands Jours du Poitou – instances judiciaires exceptionnelles –, la sénéchaussée, puis, à partir de 1552, le présidial de Poitiers. Le palais accueille également plusieurs institutions administratives et financières, ainsi qu’une prison.
Le palais de justice
La Révolution fait table rase des institutions d’Ancien Régime et met un terme à la justice retenue par le roi. Les parlements et les présidiaux sont supprimés. Pour abriter les tribunaux qui assurent le pouvoir judiciaire, des palais de justice sont alors édifiés dans les villes. Il s’agit le plus souvent de nouveaux bâtiments ; en revanche, à Poitiers, le choix est fait d’investir un édifice existant, l’ancien palais des comtes.
Des travaux sont réalisés en 1822 pour aménager l’entrée du palais sur le modèle des temples grecs. Un portique d’entrée à colonnes doriques et un escalier monumental confèrent au bâtiment un caractère majestueux et imposant.
Le palais de justice de Poitiers accueille actuellement la Cour d’Appel, la Cour d’Assises et le Tribunal de Grande Instance.
Et demain ?
En 2019, le palais des comtes de Poitiers et ducs d’Aquitaine n’abritera plus le palais de justice. En effet, la future cité judiciaire de Poitiers, en cours d’aménagement, rassemblera l’ensemble des juridictions (Cour d’Appel, Cour d’Assises, Tribunal de Grande Instance, Tribunal d’Instance, Conseil de Prud’hommes et Tribunal de Commerce) sur un même site (ancien lycée des Feuillants).
Quant à l’avenir du palais, un comité de pilotage a récemment validé un projet de mise en valeur du monument par l’aménagement de ses abords et de ses accès. Un premier événement lié au nouveau palais sera « Traversées », biennale d’art contemporain à Poitiers et qui se tiendra à l’automne 2019.
Des photographies exceptionnelles du palais par Hélène Plessis-Vieillard
En 1986, Hélène Plessis-Vieillard (1892-1987), photographe poitevine, a légué plus de mille négatifs, plaques de verre et films à l’inventaire général. Au sein de cette collection exceptionnelle sur la vie locale et le patrimoine de Poitiers et du Poitou, figurent plusieurs prises de vues du palais des comtes de Poitiers et ducs d’Aquitaine, qu’elle réalisa pour l’architecte des monuments historiques. Voici quelques-unes de ces superbes photographies (plaques de verre).