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Quand le numérique et l’immersif se mettent au service de l’art, du patrimoine et de la médiation

AdobeStock par Stnazkul
Mis à jour le 15 décembre 2022

Le 12 octobre 2022, dans le cadre du festival Courant3D à Angoulême, des porteurs de projets soutenus par le programme Cultures Connectées ont présenté leur démarche, leur approche avec une dimension immersive.

Contexte

Le programme Cultures Connectées a été mis en place en 2015 à l’échelle de l’Aquitaine et, depuis 2020, il est élargi au territoire de Nouvelle-Aquitaine. Il est co-piloté par la Région Nouvelle-Aquitaine et la Direction Régionale des Affaires Culturelles.

Visuel Cultures Connectées Nouvelle-Aquitaine 2022 / Photo by Bit Cloud on Unsplash
Visuel Cultures Connectées Nouvelle-Aquitaine 2022 / Photo by Bit Cloud on Unsplash

« Il a été rénové plusieurs fois pour devenir un appel à projet très transversal, très transdisciplinaire, dans une volonté et une vision d’accompagner l’hybridité. Tous les projets qui intègrent du numérique en matière de création artistique ou de médiation peuvent être accompagnés par ce programme. »

Gaëlle Gerbault, responsable du service Numérique Culturel de la Région Nouvelle-Aquitaine –

« Ce sont des projets qui permettent de toucher toutes les disciplines, allant du patrimoine au livre, au spectacle vivant à la musique, au travers du numérique. »

Yves Le Pannerer, conseiller pour le cinéma, l’audiovisuel et le numérique à la DRAC. –

Et pour la première fois, des institutions, des compagnies, des chercheurs ont pu partager, dans un cadre public, leur projet en cours, sur le point d’être finalisé ou déjà réalisé. Depuis 2020, l’idée était lancée d’inscrire une présentation dans le cadre du festival Courant 3D, elle s’est finalement concrétisée en 2022. Cette journée a permis de valoriser des projets qui ont souvent été ralentis dans leur mise en œuvre et permis aussi d’avoir un retour d’expériences.

Cette journée était l’occasion de mettre en lumière des projets très divers dans leur forme soutenus dans le cadre du programme Cultures Connectées. Ils font appel à des collaborations très différentes, des écritures et des formats qui le sont tout autant.

En deux temps, cet après-midi du 12 octobre a permis de saisir toute la recherche et la réflexion nécessaires pour avancer sur de tels projets.

L’immersion au service de l’hybridité artistique

L’immersion au service de l’hybridité artistique

Spectrographie, conte de l’île étoilée

« Spectrographie, conte de l’île étoilée » est imaginé par un philosophe et dramaturge Dénètem Touam Bona en lien avec un lieu : le Centre International d’Art et du Paysage de l’île de Vassivière en Haute-Vienne. Cette structure soutient la recherche, l’expérimentation, la production et la diffusion de l’art contemporain.

Dans le cadre du Centre International d’Art et du Paysage a été conçu un parc de sculptures contemporaines appelé « le Bois de sculptures », composé de soixante-quatre œuvres, implantées dans la végétation du site et qui reflète les grands mouvements de la sculpture contemporaine…

Et dans ce parc de sculptures doit s’intégrer « Spectrographie : Conte de l’île étoilée », un parcours filmique et permanent. Trois performances filmées ont été réalisées en réalité virtuelle, elles sont portées par des artistes de différents horizons et sont accessibles grâce à trois artefacts autour d’esprits de la forêt… Le tout a demandé un important travail de développement et de recherche et peut être diffusé sous différents formats et technologies.

L’inauguration s’est déroulée le 19 novembre 2022.

Shangri-La

Présenté par Christelle Derré, directrice artistique et artiste transmedia du Collectif Or Normes, et Martin Rossi, scénographe et développeur multimédia du Collectif Or Normes.

Le point de départ de ce projet est la BD de science-fiction Shangri-la de Mathieu Bablet parue en 2016 chez Ankama. L’album part du postulat que la terre n’est plus habitable et raconte la vie des humains qui se sont réfugiés à bord d’une station spatiale. Une multinationale, Tianzhu Entreprise, dirige l’ensemble.
Avec ce projet, l’enjeu est de faire évoluer cette BD en une expérience visuelle et musicale inédite. Pour le collectif Or Normes, ce récit futuriste et ses différents questionnements ont représenté un coup de coeur. L’écriture en trois parties de cette BD a permis de décliner plusieurs approches et supports pour raconter cette histoire :

  • une smartfiction sur téléphone portable sous la forme d’un inédit, créé avec Mathieu Bablet, autour de personnages secondaires. L’objectif est ici de permettre l’interaction avec les spectateurs en direct et un ajout dans la narration avec des éléments supplémentaires. Cette smartfiction peut se lire de façon totalement indépendante, mais fait également le lien avec le concert immersif.
  • un concert immersif transmedia qui vient s’intégrer dans le récit Shangri-la sous la forme d’une fête nationale. En s’appuyant notamment sur 4 écrans géants installés en cube, les spectateurs sont plongés dans l’univers de l’histoire pour une découverte des visuels animés autour la vie de la station Tianzhu. Des personnages de la BD sont incarnés par trois musiciens installés aux angles qui jouent en direct.
  • une expérience en réalité virtuelle qui mêle motion comics et bande originale inédite en son binaural pour la suite de l’aventure du personnage principal.

La première du concert a eu lieu le 25 septembre 2021 au théâtre du Cloitre de Bellac.

L’immersion pour renouveler les approches de la médiation patrimoniale

L’immersion pour renouveler les approches de la médiation patrimoniale

Immersion pour tous et pérenne dans des stéréophotographies

« Immersion pour tous et pérenne dans des stéréophotographies » permet de mettre en valeur plus de 15 000 images stéréoscopiques de collections publiques et privées du monde entier allant de 1850 jusqu’à 1950.
Ces photos ont été réalisées par des anonymes ou des professionnels de cet art. Elles ont été numérisées, localisées et analysées pour être valorisées et pouvoir être consultées par le grand public. C’est l’occasion de plonger dans des lieux, des ambiances…
L’enjeu est de conserver ce contenu, mais bien de le rendre accessible le plus largement possible.
Une stéréothèque, un conservatoire des données des stéréographies, a donc été mise en place avec une dimension de médiation. L’enjeu est que chacun puisse découvrir ces images en 3D en s’appuyant sur un logiciel et un outil de visualisation en ligne.

Archéologramme

« Archéologramme » s’inscrit dans le cadre du schéma d’interprétation du patrimoine de Haute-Corrèze. L’enjeu est de pouvoir valoriser les découvertes concernant la période de l’Antiquité à travers différents sites sur ce territoire.

Avec « Archéologramme », l’objectif est de s’appuyer sur la technique de l’hologramme pour montrer et diffuser des objets archéologiques retrouvés sur le site du sanctuaire gallo-romain des Pièces Grandes, à l’est de la Corrèze : statuettes représentant des divinités ou des animaux, monnaies romaines. Parmi les objets à découvrir en hologramme : une maquette en 3D d’une reconstitution de temple.

Grâce à une vitrine transportable sur des lieux de médiation, la découverte de ces objets et leur sens peuvent être facilement partagés auprès de différents publics avec la technique de l’hologramme.

C’est le 14 mai 2022 que la vitrine a officiellement été présentée pour la première fois au public.

La Digitale : maison natale de Jean Giraudoux

Présenté par Christelle Derré, directrice artistique et artiste transmedia du Collectif Or Normes, et Martin Rossi, scénographe et développeur multimédia du Collectif Or Normes.

Un projet de transformation de la maison natale de l’auteur de théâtre Jean Giraudoux a été mené à Bellac en Haute-Vienne. Il est devenu musée numérique sous le nom La Digitale : Maison natale de Jean Giraudoux.

L’ensemble repose sur des installations interactives et immersives avec, au rez-de chaussée, une approche plus muséale grâce à une table interactive. Dans les pièces des étages est développé un parcours du spectateur où il devient complètement acteur.

Le tout a été pensé par une équipe réunissant trois dimensions : artistique, technique, scientifique. Chaque œuvre fait appel à des compétences différentes. L’équipe a notamment travaillé sur la conception d’objets interactifs où il faut tenir compte des questions de logiciel, de matériel et de mobilier. Le public peut ainsi découvrir la reconstitution d’une table des communications pensée autour des interrogations sur le possible antisémitisme de Jean Giraudoux, un buste avec un déclenchement de citations de l’auteur qui viennent s’inscrire dessus ou deux affiches qui s’appuient sur de la réalité virtuelle…

Un escape game a aussi été développé sur la mystérieuse mort de Jean Giraudoux.

Toute une série d’animations et de supports est donc décliné : théâtre, lectures, escape game, serious game, projections, salle immersive, réalités augmentées, tablettes, lunettes de réalité virtuelle. Ce musée numérique doit permettre de valoriser et de remettre à l’honneur l’œuvre de l’auteur, sa vie et sa maison en utilisant les technologies existantes pour le faire découvrir à travers ses mots, ses textes, l’homme qu’il était.

L’inauguration s’est déroulée le 10 juin 2022.

Les aventures de Rose

Présenté par Cyril Faucher, enseignant-chercheur – L3i La Rochelle Université, Annick Lassus, enseignante – département informatique IUT de La Rochelle, Ludovic Guy, médiateur de ressources et de services – Atelier Canopé 17, et Samuel Lastère, médiateur de ressources et de services – Atelier Canopé 17.

Ce projet s’inscrit dans le cadre d’une démarche plus large d’étude et de développement de parcours de visites scénarisées qui peuvent être intégrés à des produits numériques de médiation. Ils sont ensuite accessibles aux publics des musées de Nouvelle-Aquitaine.

Ces parcours de visite peuvent prendre différentes formes comme des applications mobiles ou un serious game pour les scolaires.

« Les aventures de Rose » est un jeu d’enquête à énigme pour permettre une approche ludo-éducative et de collaboration pour des élèves de cycle 3 (CM1 à 6ème) au sein d’un musée. L’application fait référence directement aux collections de la structure et invite aussi à une découverte scientifique et de métiers, par exemple le paléontologue pour le musée d’Angoulême.

La volonté est d’avoir un jeu facilement accessible par les élèves et qui s’adapte au nombre qu’ils sont dans la classe.

Le scénario-modèle existe, décliné en storyboard, pour le Musée d’Angoulême, musée pilote. Le développement du jeu s’est affiné progressivement en s’appuyant sur les retours et réactions des élèves.

Pour faire en sorte que Les aventures de Rose soit un jeu duplicable, il faut rendre les contenus modifiables et adaptables facilement par d’autres musées. En tout cas, les structures sont visiblement en attente et en demande de ce type d’outil.

L’immersion comme outil d’interaction et de création artistique

L’immersion comme outil d’interaction et de création artistique

Scènes Virtuelles

« Scènes Virtuelles » représente une nouvelle forme d’expression artistique qui s’appuie sur la création musicale et qui trouve un nouvel équilibre avec l’art visuel et les nouvelles technologies.

L’idée a germé pendant la pandémie alors que beaucoup d’ensembles spécialisés proposaient des concerts de musique enregistrés. Mais pour Proxima Centauri, l’expérience proposée était trop limitée notamment sur la dimension de sociabilité.

Du coup, le point de départ est de faire vivre et ressentir à l’auditeur une expérience sonore et visuelle nouvelle grâce à une immersion en réalité virtuelle. L’auditeur peut directement interagir avec les musiciens et la perception de l’oeuvre jouée en fonction de l’endroit où il se situe…

Il est prévu toute une collection d’oeuvres musicales et visuelles… Pour l’instant, la première réalisée est Analog signée de Christophe Havel de Proxima Centauri et de l’artiste visuel Vincent Ciciliato.

Les prochaines œuvres devraient permettre davantage encore de liberté dans le déplacement pour l’auditeur/spectateur.

Transmutation d’une collection

« Transmutation d’une collection » vise à de la médiation autour d’œuvres du FRAC-Artothèque de Nouvelle-Aquitaine qui en compte plus de 7300. En 2023 à Limoges ouvrira le nouveau FRAC-Artothèque autour d’expositions et de la présentation de collections et également d’un important programme numérique présenté notamment à travers une boîte immersive. Au coeur de ce dispositif, entre autres, « Transmutation d’une collection ».
Ce projet est une expérience de création artistique avec David Legrand et d’autres acteurs et partenaires dont des étudiants. L’idée étant d’approcher différemment les œuvres du FRAC-Artothèque dans le numérique en les valorisant, en les interrogeant pour les combiner ou les mixer entre elles, ce qui donne naissance à de nouvelles œuvres en 3D.
Pour pouvoir parvenir à ce projet, il faut notamment la réalisation d’une interface « d’engendrement » pour créer des « créatures numériques ».

Le Récit des multitudes

Présenté par Stéphane Jouan, directeur de l’Avant-Scène Cognac.

Une réflexion a été lancée en 2015 par l’Avant Scène Cognac sur deux grandes dimensions : le théâtre comme lieu de vie porté par l’agir collectif et la transition numérique. Cette réflexion a été confortée par la pandémie et s’est élargie sur les questions de relation au public, de modalités de création, de production et de diffusion des arts vivants.

Après avoir tenté une approche au départ a priori trop compliquée, Le Récit des multitudes a été défini pour rejoindre le public là où il est, c’est-à-dire dans la rue. Il avance donc des éléments sous la forme d’une application pour smartphone où des contenus artistiques et l’espace public interagissent. C’est un récit sous forme de quêtes qui se module en fonction de différents paramètres.

Le lancement officiel du projet s’est vécu le 24 juin 2021.

Sa Majesté des mouches

Présenté par Matthieu Léonard, directeur artistique de la Compagnie Ribambelle, Gabriel Bouty et Sébastien Girard, scénographes.

Le roman « Sa Majesté des Mouches », écrit par William Golding, suit un groupe d’une vingtaine d’enfants de 6 à 12 ans devant s’organiser et survivre dans un monde sans adultes sur une île déserte. Le projet d’adaptation est né d’une envie d’écrire une pièce sur la parole publique dans le groupe.

Dans une mise en scène immersive et interactive s’appuyant sur différentes technologies, Sa Majesté des Mouches est un projet d’adaptation transdisciplinaire et transmédia de ce roman avec des élèves de 14 à 16 ans. Etant donné le contexte de création lié à la crise sanitaire, l’enjeu consistait d’abord à mener le processus créatif et pas d’abord et avant tout à aboutir à un partage avec le public.

Le projet devait mêler théâtre, projection vidéo et technologie numérique pour servir l’ambiance de cette histoire et la représentation de la violence. Les outils du numérique ont notamment comme intérêt, dans ce projet, de renforcer les expressions artistiques traditionnelles. L’équipe avait aussi la volonté de trouver l’équilibre et de laisser véritablement la place aux jeunes comédiens et à leur jeu.

La création du projet a eu lieu le 19 mai 2022, à l’Espace d’Albret, dans la ville de Nérac dans le Lot et Garonne.

Atom

Présenté par Yann Nguema à la direction artistique et Arnaud Doucet à la production (Anima Lux).

Ce projet est centré sur un sujet : l’exploration d’une figure géométrique complexe de la famille des polytopes 4D. Il s’inscrit en fait dans une démarche plus large qui doit prendre la forme d’une exposition fin 2023 autour de l’utilisation de l’image et de la projection d’images sur des supports aux propriétés optiques particulières.

Au cœur de ce projet : la difficulté de représentation de cette figure complexe avec tout ce qu’elle peut révéler, de façon surprenante, comme beauté et poésie… à travers ce qui est de la géométrie et de multiples symétries.

L’enjeu d’Atom est de travailler à la réalisation d’un film en stéréographie pour approcher ce polytope 4D à partir de son algorithme. Il s’agit de détourner, de déformer cette figure… pour rechercher une dimension artistique et esthétique. Un contenu expérimental qui aurait du sens pour être diffusé dans une salle basée sur l’immersion.

Une autre dimension de ce projet consiste en effet à un travail pour mettre en place une salle de projection immersive permettant de regarder Atom sans casque de réalité virtuelle mais simplement avec des lunettes 3D. L’idée est ici de mettre en oeuvre des projections sur 3 faces tout en recherchant la meilleure qualité possible.

Conclusion

Conclusion

Ces 11 projets, présentés le 12 octobre 2022 à Angoulême dans le cadre de Courant3D, ne sont qu’un petit aperçu de l’accompagnement porté par le programme Cultures Connectées.

« La diversité est grande avec cet enjeu de décloisonner les esthétiques. »

Gaëlle Gerbault –

Article réalisé en collaboration avec Erica Walter,
journaliste à RCF Charente.

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