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Abbaye de Charroux : la vidéo au service du patrimoine


Depuis cet été 2024, les vestiges de l’Abbaye de Charroux reprennent vie grâce à l’installation vidéo monumentale imaginée par Alcoléa&cie. Découvrez ce projet en 5 questions posées à Jean-François Alcoléa, directeur artistique de la compagnie.

Créée en 2000, Alcoléa&cie est implantée à Poitiers, en Nouvelle-Aquitaine. La compagnie présente des spectacles pluridisciplinaires créés par Jean-François Alcoléa, qui associent musique, création sonore, vidéo, images fixes et animées, lumière, textes, danse, arts de la rue, dans un répertoire de création originale.

Parmi la multitude de formats artistiques proposés, Alcoléa&cie réalise des créations in-situ dans l’espace public.

L’interview en 5 questions

L’installation vidéo à l’Abbaye de Charroux en 5 questions

Jean-François Alcoléa, directeur artistique de Alcoléa&cie nous répond.

||| Qu’est-ce qui a motivé la création d’une installation monumentale à l’ancienne abbaye de Charroux ?

Dans le cadre de nos créations in-Situ, nous avons été sollicités pour réfléchir à la mise en valeur du site de l’ancien portail de l’abbaye de Charroux. L’étude de ce lieu, le contexte, et les souhaits de la Communauté de Communes du Civraisien en Poitou, commanditaire, ont confirmé l’adéquation parfaite avec les valeurs fortes auxquelles nous sommes attachés :

un projet de territoire au carrefour du patrimoine et de la création artistique, plaçant l’humain au cœur de l’histoire, qui nous incite à proposer un projet d’excellence, dans une zone rurale éloignée de l’offre culturelle.

Aussi, nous avons imaginé cette installation vidéo, en lieu et place de l’ancien portail de l’abbaye, complétée d’une installation lumière à l’emplacement des quatre premières travées du bas-côté nord de l’abbaye.

||| Quel est le sujet et le but d’une telle installation ? L’avez-vous pensé comme une œuvre culturelle ou bien comme un outil de médiation touristique et culturel ?

Le souhait initial était de reconstituer le portail de l’abbaye en vidéo, sachant qu’au fil du temps, une façade d’habitations, qui cache ce portail, a été construite juste devant les voûtes du porche d’entrée. Le but était, en quelque sorte, de percer les mystères de cette façade d’habitations pour que le public découvre, en images, le magnifique portail dont était dotée l’église Saint-Sauveur de Charroux. Au fil de nos recherches, au regard de l’histoire exceptionnelle de ce site et des éléments iconographiques et historiques que nous avons découverts – dont certains inédits – il m’a semblé pertinent d’élargir le sujet et de proposer au public, de découvrir d’autres éléments essentiels, constitutifs de l’abbaye et de son histoire.

Ces recherches m’ont amenées à me rapprocher de nombreuses structures et personnes ressource, parmi lesquelles :

  • le Service du Patrimoine et de l’Inventaire de la Région Nouvelle-Aquitaine,
  • le service des archives de la DRAC,
  • le service de conservation du patrimoine de la Médiathèque de Poitiers,
  • le Centre des Monuments Nationaux,
  • le Centre d’études supérieures de civilisation médiévale,
  • l’association Karrofum qui œuvre à la conservation du patrimoine local,
  • l’architecte Dominique Vidal qui a réalisé la maquette de l’abbaye de Charroux, visible à l’Office de Tourisme, grâce à qui nous avons pu modéliser en 3D, l’église.

La séquence vidéo dévoile donc les Secrets et Mystères de l’abbaye de Charroux à partir d’images et des documents d’archives rares ainsi que des plans d’architectures dont certains sont encore inconnus du grand public. Un mapping de l’ancien portail nous convie à un ballet des sculptures et une reconstitution du tympan en 3D. Nous avons ainsi souhaité offrir au public une œuvre artistique dont le contenu est tout à la fois un outil de médiation culturel et touristique. L’abbaye ainsi révélée fait revivre toute sa magnificence, offrant une expérience unique au spectateur.

||| Comment avez-vous impliqué les habitants dans ce projet ?

Dans un premier temps, nous avons été en quête de tout élément susceptible de nous imprégner de l’histoire du lieu, des contextes et d’alimenter le contenu de la création vidéo, qu’ils soient iconographiques, textuels ou oraux. C’est la raison pour laquelle, ne disposant que de très peu d’éléments, nous sommes partis en quête d’informations auprès des différentes personnes des services précédemment mentionnés. En local, nous avons surtout impliqué les personnes qui ont contribué à alimenter nos sources d’informations, comme l’association Karrofum, par exemple, ou Dominique Vidal, l’architecte qui a réalisé la maquette de l’abbaye. Nous nous sommes ainsi appuyés sur ces personnes ressource qui connaissent parfaitement l’histoire de l’abbaye et ses moindres recoins. Et nous leurs sommes reconnaissants de l’aide précieuse et des visites commentées dont nous avons bénéficiées !
Nous avons en outre impliqué les personnes qui sont en lien avec l’installation, celles qui sont dans son environnement direct. Nous les avons ainsi tenues informées de l’avancement du projet, lors de réunions. Nous les avons invitées aux différents tests que nous avons effectués sur site, auxquels elles ont activement contribué, jusqu’à la livraison de l’installation.

||| Le projet a mis plusieurs années pour aboutir à la projection in-situ. Qu’est-ce qui vous a pris le plus de temps ?

Le projet a débuté en pleine crise de Covid, entre les périodes de confinements que nous avons connus. Les différents corps de métiers avec lesquels nous travaillons ont connu plus ou moins de rebondissements, notamment en ce qui concerne l’approvisionnement en fournitures et en matières premières, qui influent sur les délais de fabrication. Aussi, les différentes autorisations administratives et les échanges avec les administrations concernées sont très lents.

D’un autre côté, s’agissant d’une première en termes de réalisation technologique (il n’existe pas d’installation de ce type à notre connaissance en France) nous avons dû imaginer entièrement la conception de l’installation en incluant toutes les contraintes techniques des appareils, de la sécurité, de l’urbanisme ou des travaux publics, par exemple. Toutes ces étapes de conceptions nécessitent un temps de maturation.

Parallèlement à cela, la façade de projection a été entièrement refaite par la Communauté de Communes.

||| Quel a été votre plus gros regret sur cette création et, a contrario, votre plus grande réussite ou fierté ?

Nous sommes convaincus que l’art, la culture ainsi que la médiation culturelle sont le ciment d’une société. La culture est une constituante fondamentale de l’éducation, elle est aussi l’empreinte de toute organisation sociale. C’est la raison pour laquelle, la transmission et la médiation sont, par essence, des constituantes de notre activité, un engagement qui est notre marque de fabrique, en France comme à l’étranger, où nous impliquons, depuis plus de vingt ans, tous les âges, des enfants aux séniors. L’installation que nous venons de livrer serait un outil idéal au service d’un territoire rural, fort éloigné de l’offre culturelle. Il y aurait de formidables choses à réaliser, qui seraient vecteurs de redynamisation territoriale et citoyenne. Notre plus grand regret est peut-être de n’avoir pu impliquer davantage les habitants. Nous espérons que les volontés évoluent en la matière.

Notre plus grande réussite, qui est aussi notre plus grande satisfaction, se situe sur deux tableaux. D’une part, l’expertise acquise dans le cadre de nos créations In-Situ nous a permis de mettre sur pied une véritable prouesse technologique, d’une audace exceptionnelle, qui combine nouvelles technologies, mobilier urbain, patrimoine, vidéo mapping, images 3D, lumière, programmation et la gestion de l’ensemble de l’installation.

Nous sommes parvenus à un bel équilibre, entre création artistique, patrimoine et contenus qui transportent le spectateur à travers le temps, dans un véritable voyage onirique.

Fruit de très longues recherches, parfois fastidieuses ou semées d’embuches, nous sommes parvenus à donner à voir des documents ou objets inédits, révélant en partie, les Secrets et Mystères de l’abbaye de Charroux.

2 questions techniques

Pour approfondir, 2 questions techniques

L’élaboration et la mise en œuvre d’une installation fixe, pérenne ou saisonnière, dans l’espace public nécessite une vision à 360° ; de l’installation en elle-même, bien entendu, aussi bien que de son environnement, dans son sens le plus large touchant l’urbanisme, les travaux publics, la sécurité, l’écologique, le patrimoine, la culture… Des prérequis et différentes autorisations préfectorales sont nécessaires ainsi que celles de la DRAC. Aussi, s’agissant d’un monument et d’un secteur classés, les opérations s’effectuent sous la houlette de l’Architecte des Bâtiments de France. Ainsi, la couleur de l’installation tout comme l’emplacement de l’installation nous ont été dictées par l’ABF.

De notre côté, nous travaillons avec un cabinet d’architectes et un bureau d’études de manière à fournir ces différentes autorisations et afin d’envisager une installation en toute sécurité dans l’espace public, en adéquation avec les directives de l’ABF. Nous avons imaginé une installation parfaitement adaptée à son environnement, allant également jusqu’à envisager son intégration dans l’urbanisme local, en proposant, par exemple, certains types d’assises en symbiose avec l’environnement ou certaines finitions spécifiques par exemple.

Il n’y a pas de durée d’exploitation arrêtée ou prévue à ce jour. Nous allons à présent assurer la maintenance et la gestion de la projection. En matière de maintenance et d’entretien, il y a en premier lieu, les appareils. Nous suivons les préconisations des constructeurs avec lesquels nous sommes directement en contact, ce qui est un atout majeur et nous permet d’appréhender et de parer rapidement à toute situation ou toute urgence. Par exemple, les appareils doivent être contrôlés physiquement en fonction d’un certain nombre d’heures de fonctionnement. D’autre part, nous gérons l’ensemble de l’installation à distance. Ainsi, dans la mesure où l’image vidéo en venait à se décaler, par exemple, nous sommes en mesure de rétablir le mapping depuis nos ordinateurs.

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